Maladies et mortalité dans le monde et en Europe : évolutions récentes

A l’heure de la « mondialisation » dans tous les domaines, et, dans celui de la santé des craintes de pandémie, observe-t-on des évolutions dans les causes de maladie et de mortalité à l’échelle planétaire ?  

 

 

Il y a réellement une évolution, et qui touche y compris les pays dits « à faible revenu ».
L’ OMS (Organisation mondiale de la santé) a conduit des études, notamment en 1997 et 2001, publiés en 2006 dans le Lancet. Ces grandes enquêtes ont porté sur 192 pays, 136 affections et traumatismes et 19 facteurs de risque.
Ainsi en 2001, on dénombrait 56 millions de décès dont 1/3 de maladies transmissibles, c’est à dire infectieuses.
Dans les pays à revenu élevé on n’est pas étonné de la prédominance des maladies vasculaires : 17 % pour le coeur, 10% pour le cerveau (les AVC). Le cancer vient ensuite : 6% des décès pour celui des poumons et des bronches.
Mais l’idée que l’on meurt avant tout d’ infection dans les pays pauvres, n’est plus exacte, même si les ravages du SIDA y sont responsables de plus de 5% des décès, à égalité avec la mortalité périnatale. C’est ici encore, et cela est nouveau, la maladie coronaire pour 12% et l’AVC pour 10%, qui sont les premières causes, devant les infections pulmonaires (7%), comme la tuberculose. Ce phénomène est l’illustration de la «transition épidémiologique» de ces pays, avec les divers facteurs de risque en expansion : obésité, diabète, hypertension..
 
Si ces « facteurs de risque » sont apparus, avec leurs conséquences, la situation est-elle irréversible ? Un changement d’habitudes apporte-t-il réellement un « plus », une protectionvis à vis de ces maladies en expansion ?
 
C’est la question des « risques modifiables ». Prenons l’exemple du tabac où nous disposons également d’études sur de nombreux pays, comme l’étude INTERHEART, publiée en 2006, sur 27000 personnes de 52 pays, la moitié ayant eu un infarctus, les autres non (les sujets « contrôles »).
En comparant les habitudes tabagiques des uns et des autres on a évalué que les consommateurs actifs avaient un risque d’infarctus multiplié par 3, quelque soit le type de tabac, risque d’environ 2 fois entre 1 et 9 cigarettes, et plus de 6 fois au-delà du paquet…
Vous posez la question de l’effet du sevrage : chez les faibles consommateurs le risque supplémentaire par rapport aux non fumeurs disparaît en 3 à 5 ans, chez les forts consommateurs , c’est plus long et il persiste un léger excès de risque, de l’ordre de 22%, ce qui est quand même mieux que 300% !
Quant aux consommateurs dits passifs, leur exposition accroît modérément leur risque cardiaque, de l’ordre de 20-25%.
 
 Les pays « plus riches », qui ont été les premiers à connaître cette épidémie d’obésité, de diabète, de maladies vasculaires, sont-ils désormais à la pointe pour les combattre, notamment par la prévention ?
 
Il est donc intéressant de suivre dans les pays d’Europe l’évolution de ces fameux facteurs de risque, et ceci a fait l’objet de trois grandes études successives en 1995-96,1999-2000 et 2006-2007, appelées EUROASPIRE I , II, III, publiées récemment dans le Lancet.
Huit pays ont été étudiés : France, Allemagne, Italie, Pays-Bas, Finlande, Hongrie, République Tchèque et Slovénie, donc 3 pays de la « nouvelle » Europe.
 Il est difficile à court terme de mesurer les effets des campagnes de prévention « primaire », c’est à dire avant tout accident vasculaire. On a donc étudié plusieurs milliers de sujets ayant été hospitalisés pour insuffisance coronaire aigue, infarctus, angine de poitrine sévère.
Parmi ceux-ci, en France par exemple, on notait 33% d’obèses en 1995, 36% en 2006, et 16% de diabétiques en 1995, 34% en 2006, et toujours 25%de fumeurs… Aux Pays-Bas le taux de cardiaques fumeurs était tombé par contre de 32% à 15%. L’obésité était multipliée par 2 en République Tchèque, etc.
Par contre, grâce au traitement par médicaments, la proportion de patients avec un cholestérol élevé a diminué globalement de plus de la moitié, et pour l’hypertension artérielle la France est le pays, (sans doute au monde), où elle est le mieux contrôlée, même si ce n’est encore que chez 44% des hypertendus.
 
Il est donc plus efficace de faire appel à la chimie qu’à la volonté ??
 
On peut le formuler ainsi, ce qui est certainement vrai pour le cholestérol et l’hypertension. Mais c’est dommage, car les modifications des habitudes de vie : alimentation équilibrée, activité physique régulière et arrêt du tabac, se sont montrées par exemple encore plus efficaces que les médicaments pour ne pas devenir diabétique alors que l’on y est exposé du fait du poids, de la sédentarité, et même de l’hérédité.
L’Europe a donc encore des progrès à faire en prévention, surtout si elle veut montrer l’exemple.
 

Ecouter le Pr Alain Krivitsky