Pourquoi un problème sexuel ça peut être grave

Catherine, on vous dit souvent : vous êtes sexologue, ça doit être amusant comme métier ! Pourtant, vous nous expliquez que cette remarque vous étonne toujours. Car la sexualité, quand ça fonctionne, c’est léger, agréable et parfois amusant, mais quand ça ne fonctionne pas, ça peut devenir terriblement douloureux…

Ecouter la chronique du Dr Catherine Solano:

Oui, nous venons de parler d’un sujet très grave, le suicide, et moi, je vais vous parler de sexualité, un sujet qui semble bien plus léger. Et oui, la sexualité c’est comme vous le dites, léger, amusant, agréable. Et en même temps c’est profond puisque la sexualité, c’est notre élan de vie, l’acte qui nous permet de donner la vie, d’entrer en communication intime avec l’autre. Et justement comme l’acte sexuel est normalement un acte de joie, de bonheur, de partage, quand ça ne va pas, c’est d’autant plus grave.
Un peu comme la naissance. J’ai travaillé en maternité et une naissance, c’est merveilleux. Je ressentais toujours une joie profonde en assistant à des naissances. Mais quand ça se passe mal, c’est d’autant plus douloureux. J’ai assisté à quelques naissances d’enfants souffrant de malformation, et là, on se sent très mal, bien plus mal encore que dans un service où l’on ne voit que des personnes qui sont malades. Parce qu’on s’attend à de la joie et que c’est de la peine qui survient.

Je pense que c’est un peu pareil dans la sexualité. Nous attendons tous de la sexualité de la joie, de la rencontre, du partage. Et si l’on trouve de la peine, c’est extrêmement douloureux. Or, un sexologue ne voit pas beaucoup la joie, il reçoit surtout des personnes dans la peine et souvent dans une grande peine.

La sexualité, quand elle ne fonctionne pas, peut donc entraîner des dépressions parfois graves ou même des tentatives de suicide. Nous connaissons tous quelqu’un de notre entourage qui a fait une tentative de suicide ou malheureusement un suicide réussi pour ce que l’on appelle pudiquement « une peine de cœur ». Mais bien sûr, quand on en arrive là, c’est plus que de la peine, c’est du désespoir, sinon, on ne cherche pas à se suicider.

Claire : Pourquoi peut-on en arrive à un tel désespoir pour des raisons liées à la sexualité ?

Catherine : Les raisons peuvent être liées à la sexualité, et dans le fond, elles sont plutôt liées aux émotions. Et c’est presque toujours, au fond, la peur de ne pas pouvoir être aimé.
La peur de ne pas être comme il faut : Trop de personnes pensent ne pas être comme il faut. Ne pas avoir un corps suffisamment beau, ne pas savoir s’y prendre comme il faut, ne pas donner suffisamment de plaisir à l’autre, ne pas être intéressant… Alors, on peut se sentir désespéré et penser qu’on ne sera jamais aimé, que l’on restera toujours seul.
Quand quelqu’un vient consulter pour un problème d’érection, d’éjaculation précoce, de douleurs pendant les rapports sexuels, par manque de désir ou de plaisir, en fait, le problème sexuel n’est pas le plus important. La question de la personne qui vient me voir c’est plutôt : l’autre pourra-t-il ou pourra-t-elle continuer à m’aimer comme je suis avec mes problèmes ? Et si je continue à avoir ces problèmes, l’autre va-t-il cesser de m’aimer, va-t-il partir, m’abandonner ?

Claire : mais pour avoir si peur de ne pas être aimé, il faut manquer beaucoup de confiance en soi. Parce que tout le monde peut avoir quelques problèmes un jour ou l’autre !

Catherine : Bien sûr, mais c’est la manière d’aborder ces problèmes qui change tout.
Je me souviens d’un ami qui avait environ 30 ans et qui me disait : oui, j’ai parfois des pannes d’érection. Mais bon, ce n’est pas grave, ça arrive à tout le monde un jour ou l’autre. Et le lendemain, ça va mieux ! Je lui avais répondu : tu as de la chance de réagir ainsi. Moi, en consultation, je vois des personnes désespérées par ce type de pannes occasionnelle. Et lui était très étonné.

Claire : C’est quoi la différence entre quelqu’un qui supporte facilement une difficulté et quelqu’un qui en fait une montagne ? Pourquoi nous ne réagissons pas tous pareil ?

Catherine : Cela dépend de notre confiance en nous. De la valeur que l’on s’attribue à soi-même. Si je pense que je suis quelqu’un de bien, de précieux, même si j’ai un problème sexuel, je me sens toujours quelqu’un de valable. Si je pense que je suis quelqu’un de pas terrible, de même un peu minable, alors, un problème sexuel peut sembler très grave. Et je me dis « déjà que je ne me trouvais pas formidable, en fait, je suis encore plus nul que je pensais »…
Et tout cela dépend beaucoup de mon histoire. Si j’ai été élevée par des parents, par un entourage qui m’aimait, me considérait comme un enfant formidable, intelligent, aimable, j’ai confiance en moi. Si on contraire, dans mon enfance, on se moquait de moi, on me rabaissait, j’ai acquis une insécurité. Je ne me sens pas digne d’être aimé. Alors, un problème et cela réactive cette peur de ne pas être aimé.

Claire : Mais quand on est en couple, normalement, l’autre vous aime ! Cela devrait aider…

Catherine : Oui Claire, vous avez raison. L’amour aide énormément à prendre confiance en soi. Et l’amour peut guérir de ces peurs de ne pas être comme il faut. Et heureusement bien des personnes en couple disent à leur partenaire : tu me rends plus fort, plus sûr de moi. Grâce à toi, j’ai plus confiance en moi.
Mais quand le manque de confiance est au départ très profond, l’amourne suffit pas.Certaines personnes ont été très blessées par un manque d’amour de la part de leurs parents, de leurs proches pendant leur enfance. Et l’amour de leur partenaire ne parvient pas à combler ce vide très profond. Ce sont ces personnes qui peuvent être désespérées par une difficulté sexuelle.

Claire : Que faut-il faire dans ce cas ?

Catherine : La première étape, c’est de prendre conscience que le désespoir ne vient pas vraiment de la situation, mais avant tout de nos peurs intérieures. Puis il faut alors faire une thérapie pour prendre confiance en soi…

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