Claire Hédon, journaliste à RFI présente depuis 2003 une émission consacrée à la santé dans le monde :"Priorité Santé". Le but : faire de la prévention auprès du grand public, l’informer sur ses droits, sur les traitements et les moyens d’y accéder.
La violence peut entraîner des difficultés sexuelles, que cette violence soit sexuelle ou non.Alors Catherine vous allez nous parler de l’incidence sexuelle des violences.
Ecouter la chronique du Dr Catherine Solano:
Oui et je voudrais commencer par parler, non pas des violences interpersonnelles, mais de ce que je vais appeler les violences intrapersonnelles. C’est-à-dire des violences que l’on s’inflige à soi-même. Je suis de plus en plus frappée par la manière dont des personnes maltraitent leur corps et leur zone sexuelle.
Je prends un exemple : beaucoup de femmes agressent leur vagin en pratiquant une toilette interne. Or, Une toilette interne du vagin, c’est une agression.
Je pense aussi aux femmes qui se forcent à faire l’amour alors qu’elles ressentent une douleur. C’est une violence que l’on fait à son corps. Il a mal et cette douleur, c’est un message pour vous dire : arrête ! Si vous continuez alors que votre corps souffre, vous lui faite du mal. Il risque de se bloquer. C’est ainsi que l’on peut mettre en place des blocages sexuels importants et profonds.
Et puis, il y a encore l’exemple des femmes qui se rasent intégralement la zone sexuelle. Les microcoupures entrainent des microsaignements et souvent des infections, poils incarnés, démangeaisons. L’épilation, c’est un geste douloureux. Et cet endroit du corps voué à la vie et au plaisir se trouve agressé par soi-même. Je pense que cette pilosité sexuelle existe pour protéger cet zone sensible et intime.
Claire : Quand on pense aux violences infligées à la zone sexuelle, on pense aussi à des gestes plus violents encore comme l’excision
Catherine : Bien sûr, l’excision est une agression terrible pour le corps. Et ce qui m’interpelle, c’est qu’il existe aussi des violences et de plus en plus, des violences autoaffligées qui se font aussi en agressant les chairs de cette zone sexuelle. Je pense aux demandes de plus en plus fréquentes de chirurgie des petites lèvres en Angleterre comme en France. Les gynécologues sont souvent très choqués de constater que c’est en augmentation très importante à tel point que le collège Royal de gynécologues et obstétriciens anglais a lancé une alerte sur le sujet
(Royal College of obstetricians and gynaecologists)Pour vous donner un chiffre, le nombre d’intervention pour réduire la taille des petites lèvres a été multiplié par 5 au cours des dernières années dans les hôpitaux publics anglais. Et en Angleterre, entre 2005 et 2012, 250 opérations ont même concerné des fillettes de moins de 14 ans !« Il faut savoir que plus l’opération est subie jeune, plus le risque de cicatrices et de perte de sensibilité sont importantes pour les futures femmes » rappelle la société britannique de gynécologie.
D’autre part de plus en plus de femmes sont tentées par des injections de produits dans le vagin, au niveau du point G, soi disant pour augmenter le plaisir. C’est inefficace, inefficace et agressif d’infliger des piqûres à son intimité, et pourtant, cela se propage.
Et puis, certaines femmes pratiquent des tatouages ou des piercings sur cette zone.
Claire : Quelles sont les conséquences sexuelles de ces phénomènes ?
Catherine : La zone sexuelle qui est un lieu de vie, d’intimité et de plaisir, devient une zone que l’on veut entièrement contrôler, modeler. Comme elle est agressée, elle souffre et peut se bloquer, devenant un lieu de douleur, de tensions, de peurs et d’angoisses. On voit des femmes n’éprouvant plus de désir, de plaisir ou souffrant pendant les relations sexuelles. Et la chirurgie, pouvant couper des nerfs peut entraîner des insensibilités dans un endroit où la sensibilité voluptueuse est pourtant essentielle.
Pour les injections dans le point G, le risque, c’est de perforer l’urètre qui se trouve tout près, c’est-à-dire le tube amenant l’urine depuis la vessie vers l’extérieur du corps.
Claire : Et les violences infligées par l’extérieur ?
Catherine : Il y a d’abord la violence infligée par la société. En effet, de plus en plus de films sont violents, de plus en plus de personnes jeunes visionnent des images pornographiques et toute cette violence, souvent tournée vers les femmes, entraîne une augmentation des petites peurs que l’on pourrait avoir normalement au début de la vie sexuelle, et cela peut les transformer en blocages.
Je vais vous donner un exemple. J’ai suivi une jeune femme mariée souffrant de vaginisme, donc de pénétration impossible. Son vagin refusait la pénétration. Et elle me raconte que quand elle était adolescente vers l’âge de 13 ou 14 ans, elle était un vrai garçon manqué, et qu’avec son groupe de copains, elle regardait beaucoup de films X. Et cela la faisait rire. Et me dit-elle, on regardait des films avec par exemple des rapports sexuels avec des animaux. Et puis un jour, elle s’est demandé : mais pourquoi je regarde tout ça alors que dans le fond, ça me dégoûte ? Et elle a arrêté. Mais cette époque a laissé des traces : quelques années plus tard, elle est très bloquée dans sa sexualité…
Claire : Et pour reparler de notre sujet d’aujourd’hui, il y a aussi les violences interpersonnelles…
Catherine : Oui par exemple, je vois beaucoup de blocages sexuels liés à une remarque désobligeante. Une remarque d’une femme sur le pénis de son partenaire : « il est bizarre », ou tropgros, ou trop petit. Ou bien sur son fonctionnement « mais tu es impuissant » alors que c’est la première fois et que l’homme a un peu de peine à mettre le préservatif. Ces remarques sont ressenties comme très violentes car il s’agit de critiques sur notre intimité. Et c’est pareil pour les femmes : « tu ne sais pas t’y prendre », ou quelque chose que je trouve terrible, c’est la pression des hommes nourris à la culture pornographique pour que leur partenaire s’épile le sexe…
Et bien sûr, il y a les violences physiques, les coups, les agressions sexuelles qui peuvent provoquer de terribles blocages et malheureusement, je vois aussi souvent cela en consultation.
Claire : alors que faudrait-il faire pour éradiquer le plus de violence possible ?
Catherine : Je pense que cela passe en priorité par l’éducation. C’est donc le rôle des parents d’apprendre à leurs enfants à respecter leur corps et le corps de l’autre, de les mettre en garde contre la pornographie qui peut aller jusqu’à gâcher leur vie sexuelle. Et puis, éviter que leurs enfants voient des images violentes dans les films. Je suis toujours stupéfaite d’aller au cinéma et de voir un film qui me choque par sa violence, et dans la salle, des enfants de 7 ou 8 ans. On passe un message épouvantable aux enfants : la violence fait partie de la vie. Et il faut l’éviter le plus possible.
Claire Hédon, journaliste à RFI présente depuis 2003 une émission consacrée à la santé dans le monde :"Priorité Santé". Le but : faire de la prévention auprès du grand public, l’informer sur ses droits, sur les traitements et les moyens d’y accéder.
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