On sait que les relations sexuelles commencent en moyenne vers 17 ans et demi en France. On sait aussi que la manière dont nous vivons notre sexualité dépend de notre histoire, et de notre histoire depuis notre plus petite enfance. Alors, qu’est-ce qui peut mal se passer dans la sexualité et qui serait dû à des difficultés dans l’enfance ?
-La première chose qui me vient à l’esprit, c’est le manque de contact physique chaleureux. Je pense ainsi à deux patients très handicapés dans leur sexualité. L’un d’eux est un homme âgé et l’autre un tout jeune homme. Le monsieur plus âgé m’a expliqué qu’il avait du mal à être touché. Qu’il n’aimait pas trop le contact, et que ça lui posait des soucis dans sa vie de couple. Il avait d’ailleurs des relations homosexuelles sans tendresse à côté car il avait du mal à accepter la douceur et l’amour avec sa femme. Il m’a expliqué que sa mère ne le prenait jamais dans les bras, ne lui faisait jamais de câlins. Il m’a même apporté une photo où sa mère le tenait dans les bras, un peu comme si c’était un objet. Elle le tenait le plus loin possible, pas du tout contre elle.
Le deuxième, un jeune homme a été abandonné à la naissance, puis adopté et rejeté par sa famille adoptive. Il n’a jamais été pris dans les bras, chouchouté ou câliné. Il est homosexuel, mais n’a presque jamais de relations avec son ami. Pour lui, c’est presque insupportable d’avoir un contact physique…
Là, c’est quand même une minorité, heureusement, la plupart des parents câlinent leurs enfants !
-Bien sûr et heureusement ! Mais même quand on a des parents adorables, on peut avoir des expériences négatives qui vont influencer la sexualité. Par exemple, un de mes patients de 28 ans avait dû subir une circoncision à 7 ans, pour un phimosis, un prépuce trop étroit. Il gardait un souvenir atroce de l’intervention, et surtout des pansements que lui faisait l’infirmière les jours suivants.Il consultait, car il ne supportait aucun contact sur son pénis. Une caresse, un simple contact réactivait la mémoire de son corps et lui rappelait cet épisode. Du coup, s’il avait une érection, elle s’arrêtait immédiatement !
Est-ce que l’on observe, sous une autre forme, sans doute, ce type de problèmes chez les femmes aussi ?
-Bien sûr, et là, j’en vois très souvent. Je dirais qu’un traumatisme de la zone sexuelle peut entraîner des blocages. Chez les femmes, on observe souvent des vaginismes, c’est-à-dire une impossibilité à la pénétration. Le vagin se ferme par réflexe, comme pour se protéger. Et se protéger de quoi ? D’une agression qu’il a subi par le passé.
Pouvez-vous nous donner des exemples d’agressions ?
-Une patiente à moi se souvient avec horreur d’un jour où on lui a introduit une sonde urinaire. Elle avait seulement 4 ans, et on la tenait pour qu’elle ne bouge pas… Une autre a eu un accident sur un chantier de maison en construction, et un fer à béton a déchiré sa peau au niveau de sa vulve. Il a fallu la recoudre. Elle avait 7 ans. Et puis, j’ai des tas d’exemples, mais je citerais les femmes qui ont été excisées dans l’enfance. Certaines gardent des séquelles sexuelles à cause de la mémoire du corps, de sa mémoire de la douleur. Leur corps se bloque, leur vagin se ferme parce qu’il cherche à les protéger contre une nouvelle agression… Même si c’est en fait le geste de faire l’amour avec l’homme qu’elles aiment.
Et les agressions sexuelles dans l’enfance ? -Elles entraînent aussi bien des séquelles sexuelles. Dans ce cas, c’est parfois un évitement des relations sexuelles, souvent un manque de désir et souvent aussi une absence de plaisir dans la sexualité. Mais parfois, c’est tout autre chose de très étrange.
Certaines personnes qui ont été agressées ont au contraire une hyper sexualité, ou même se prostituent ou cherchent à tourner dans des films X. C’est une réaction de défense différente qui a pour but inconscient de reprendre le contrôle sur la sexualité. Comme si leur cerveau se disait : « j’ai été agressé(e), maintenant, c’est moi qui décide. » Et les expériences sexuelles multiples cherchent à gommer le souvenir du traumatisme de l’agression.
Et sur le plan des relations amoureuses, qui font bien sûr partie de la sexualité, y a-t-il aussi des difficultés ? -Nous observons des difficultés liées aux troubles de l’attachement. Si un enfant a eu des parents affectueux, stables et sécurisants, il s’attachera facilement et harmonieusement sur le plan amoureux. En revanche, s’il a eu des parents instables, qui l’empêchaient de se sentir en sécurité, il aura peur des relations amoureuses : soit il fuira dès qu’il sentira l’intimité se construire, soit au contraire, il sera en demande exagérée, très intense envers l’autre et il aura tendance à étouffer son partenaire… Parce qu’il n’aura pas eu de modèles pour savoir comment fonctionne l’intimité harmonieuse. Cela lui fera très peur.
Et quand on a des difficultés telles que vous les décrivez, que faut-il faire ?
-Il me semble que déjà, s’en rendre compte, c’est avoir fait la moitié du travail. Et ensuite, il faut trouver de l’aide, un psychothérapeute, un sexothérapeute. Et parfois, l’aide d’un ou d’une partenaire compréhensive peut être déterminante. Si l’on se sent accepté comme on est, et jamais brusqué, on peut progresser beaucoup, même sans psy ! Mais il faut reconnaître que le ou la partenaire a aussi ses difficultés de vie à gérer et que ce n’est pas toujours évident !
Claire Hédon, journaliste à RFI présente depuis 2003 une émission consacrée à la santé dans le monde :"Priorité Santé". Le but : faire de la prévention auprès du grand public, l’informer sur ses droits, sur les traitements et les moyens d’y accéder.
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