15 janv. 2013 - 12:25
Claire : Pouvez-vous nous donner des exemples dans les couples ?
Catherine : Je vais vous raconter une histoire de mots positifs qui sont précieux. Une jeune fille m’avait écrit en me disant que c’était terrible : elle avait des seins tout petits et qu’elle craignait beaucoup sa première fois. Elle avait peur que son ami se moque ou simplement soit déçu. J’avais essayé de la rassurer en lui expliquant que ce n’est pas le volume qui compte, mais le fait d’être dans l’intimité avec l’autre. Et puis, quelques semaines plus tard, elle m’a écrit à nouveau pour me dire : « Vous aviez raison, j’ai vécu ma première fois avec mon ami. La première chose qu’il a dit, quand il a vu mes seins, c’est : qu’est-ce qu’ils sont jolis… et depuis, je ne suis plus du tout complexée ! Il faut que vous le disiez à toutes les filles ! » C’est pour cela que je le raconte aujourd’hui !
Claire : vous devez aussi entendre l’inverse ! Des mots qui détruisent.
Catherine : Cela arrive aussi. Je me souviens d’une patiente qui a vécu sa première fois à plus de 25, car elle était très timide. L’homme avec qui elle était, trouvant qu’elle n’était pas très à l’aise pour les caresses lui a dit : « Tu caresses de la main gauche », ce qui voulait dire : « tu n’es vraiment pas douée en caresses ». Cela l’a beaucoup choquée. C’est d’ailleurs pour cela qu’elle a consulté. Elle était bloquée à l’idée de rencontrer quelqu’un d’autre. Parce que, bien sûr, cette relation n’a pas tenu. Et il s’est passé quelque chose, un an plus tard. Elle avait rencontré un autre homme qui est devenu son mari. Un jour, elle est arrivée en consultation avec un grand sourire. « Il m’a dit que j’étais un super bon coup ! » Pour elle cette phrase qui peut être mal prise selon le contexte a été un cadeau qui l’a complètement débloquée.
Claire : Quand vous racontez cela, vous voulez dire qu’il faut faire très attention à ce que nous disons à l’autre. Les femmes sont sensibles ! Et les hommes ?
Catherine : Et bien oui, je pense qu’il faut de la gentillesse et de la bienveillance pour faire l’amour avec quelqu’un. Dans l’amour, on se montre à nu, avec toutes nos fragilités et c’est pour cela qu’on est plus sensible que jamais.
Et les hommes aussi sont sensibles. Imaginez un collègue à moi qui a reçu un couple. La femme disait : « quand mon mari n’a pas d’érection, son sexe ressemble à une limace. Comment voulez-vous que j’aie du désir avec une limace ? » C’est une parole qui tue et qui détruisait son mari qui avait de moins en moins d’érection avec elle !
Quand au contraire, une femme dit à son partenaire qu’elle trouve son sexe très beau, cela le rassure beaucoup. Je pense à une parole moins méchante, celle d’une femme qui a dit à un jeune homme, lors de sa première fois : « ton sexe est bizarre »… Il n’a jamais su ce qu’elle trouvait bizarre, mais il s’est trouvé avec une angoisse qui ne l’a pas quitté pendant des années !
Claire : vous parlez mots qui tuent ou qui font du bien dans le couple, mais les mots sur la sexualité ne sont pas seulement échangés dans le couple, cela existe aussi dans la famille…
Catherine : Bien sûr que non, il y a déjà les parents et la famille.Si des parents disent à leur fils : « mon fils, les femmes sont toutes des salopes, prends ton plaisir avec elles, mais ne t’attache pas ». Il peut le croire. Et développer une peur des femmes et une difficulté à se laisser aller dans l’amour et le plaisir.
Idem pour une fille si elle apprend dans sa famille que le sexe est une monnaie d’échange pour les femmes. Je me souviens d’une femme qui avait été éduquée dans cette idée et elle punissait son mari en ne faisant pas l’amour quand il ne lui donnait pas ce qu’elle voulait. Elle faisait la grève du sexe jusqu’à ce qu’il cède. C’est très malsain dans un couple évidemment.
Claire : Le sexe, on en parle aussi dans la société toute entière.
Catherine : Oui, et c’est pareil, dans la société, on peut entendre des mots destructeurs pour la sexualité. Je pense à un patient qui a été tellement angoissé qu’il m’a téléphoné en me disant qu’il devait consulter et que c’était une question de vie ou de mort. En fait, il avait entendu dans le bus deux filles parler et dire « le pénis de mon ex était vraiment trop petit ». Du coup, alors qu’il n’avait jamais eu de problème, il a commencé à surfer sur internet et à mesurer son pénis tous les jours. Il est tombé sur une blogueuse soi-disant experte qui disait qu’un pénis devait avoir au moins telle taille, sinon, elle conseillait presque le suicide… Cela avait rajouté à ses angoisses. Pourtant avec son amie, tout allait bien dans leur sexualité.
Claire : La société ne nous aide pas forcément à nous épanouir sexuellement !
Catherine :La société a tendance à nous proposer des normes, et à nous pousser à la performance. Il faut savoir s’y prendre, il faut être physiquement comme ceci ou cela pour être désirable et performant. Elle nous pousse du coup, à croire que pour être aimé, pour être heureux, il faut être performant. Or, c’est faux. Pour être heureux, il faut s’accepter, accepter l’autre et ouvrir son cœur dans une vraie relation. Mais ça, c’est plus profond et moins simple que de mesurer des cm, la durée ou le nombre d’un rapport sexuel !
Claire : Au total, il faut donner du positif à l’autre si l’on veut en recevoir ?
Catherine : C’est exactement ça. Il faut apprendre à être créateur de confiance en soi pour l’autre, l’encourager, lui donner de l’amour, de l’affection, exprimer aussi son désir. Du coup, on remplace une dynamique de comparaison, de revendication et de complexe par une une dynamique positive qui permet de développer une belle sexualité.
Ecoutez la chronique du Dr Catherine Solano:
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