05 juill. 2012 - 13:04
Catherine : On peut être défavorisé sexuellement pour diverses raisons.
La première raison est le manque de câlins reçus dans l’enfance. Un enfant qui a été cajolé, chouchouté, massé sera plus à l’aise dans son corps et dans sa sexualité plus tard. Il a appris que son corps était un élément d’échange important.
La deuxième des raisons est le manque d’information. A commencer par les adolescents.
La première chose à faire, quand on a des enfants, c’est donc de les informer des changements qui les attendent à la puberté. Pour les filles, les seins qui poussent, les poils qui poussent autour de la zone sexuelle et sous les bras, les petites lèvres qui grandissent, et l’apparition des pertes blanches et des règles. Leur dire aussi que tous ces changements sont bons. Ils sont le signe qu’elle est en train de devenir une femme et qu’elle pourra former un couple si elle le souhaite et avoir des enfants… C’est rassurant de savoir que tout ça est normal, et de l’entendre suffisamment tôt par sa maman ou son papa !
Et la troisième raison, c’est le trop de sexualité. Les parents qui autorisent les enfants à regarder des films pornographiques, qui racontent des choses sexuelles à des enfants très jeunes ou qui s’exhibent devant eux par exemple.
Claire :Si l’on n’informe pas ses enfants, pourquoi ils sont défavorisés ?
Catherine : Les jeunes qui, avant la puberté n’ont pas eu l’information suffisante ont tendance à s’angoisser à propos de leur corps et de leur sexualité. Alors, une fille qui a ses premières règles peut croire qu’elle fait une hémorragie et qu’elle va mourir si elle ne sait pas de quoi il s’agit !Cela peut lui laisser un souvenir horrible et au lieu d’accueillir cet événement comme un moment de fête comme cela se fait parfois, elle le relie à une peur terrible. Et ça laisse des traces.
Claire : Et pour les garçons ? De quelle information ils ont besoin ?
Catherine : L’information équivalente à celleles filles : leur dire que leur sexe va grandir, que leurs poils vont pousser, leur voix va changer, et qu’ils peuvent eux aussi avoir les seins qui poussent ! Cette poussée des seins se produit chez la moitié des garçons à l’adolescence, et cela dure environ un an. C’est angoissant pour eux s’ils ne savent pas que c’est normal. Et puis, il faut leur apprendre qu’ils vont, un jour ou l’autre, avoir une éjaculation. Que c’est un grand moment, le jour où ils deviennent capables de devenir pères.
Il me semble que c’est aussi, comme pour les filles, le moment de les responsabiliser. De leur dire que leur corps devient adulte et qu’ils doivent en tenir compte. Ils vont ressentir un désir sexuel très fort, et que cette force doit être canalisée… pour les filles aussi d’ailleurs ! Pour les garçons, il est essentiel de leur apprendre qu’ils doivent respecter les femmes. Je pense que c’est le rôle des pères de leur communiquer cette attitude de respect.Et c’est essentiel dans un monde où l’on entend beaucoup parler de violence. Si les garçons étaient éduqués au respect des filles par leur père dès 12 ou 13 ans, voire avant, ce serait une excellente chose pour le monde entier !
Surtout qu’il a été démontré par des études que les pays où les femmes sont le plus respectées, où elles sont le plus proches de l’égalité avec les hommes… Ce sont les pays où les hommes sont les plus heureux !
Claire : Et après l’adolescence ? Comment peut-on, plus tard être encore défavorisé sexuellement ?
Catherine : Par exemple si l’on n’a pas accès à la contraception, et à l’information qui va avec pour bien la choisir, en couple si possible. Par exemple, peu de personnes savent que la contraception la plus efficace, c’est l’implant contraceptif. Et puis, il y a l’accès à un suivi de grossesse, d’accouchement et de suite de couches. Parce que la procréation dans de bonnes conditions de sécurité, ça fait aussi partie de la santé sexuelle.
Claire : Et quelles catégories d’adultes sont défavorisées pour la sexualité ?
Catherine : Il y a plusieurs types de personnes qui subissent des difficultés handicapantes pour la sexualité.
Tout d’abord, les personnes souffrant de maladies assez graves qui ont des répercussions sur la sexualité. Aujourd’hui encore, ces personnes n’osent souvent pas parler de leurs difficultés sexuelles. Elle se disent : « J’ai une maladie grave, ma vie est en jeu, et parler de bagatelle, ça fera mauvais effet vis-à-vis du médecin… »Cela peut se produire en cas de cancer de la prostate ou du sein, ou dans beaucoup d’autres maladies. C’est dommage, car la santé sexuelle est reconnue par l’OMS comme faisant partie de la santé en général. Et les médecins sont de plus en plus formés à répondre à ces questions.
Il y a aussi les personnes âgées. J’ai déjà vu une maison de retraite interdire à des personnes âgées, un homme et une femme tous les deuxveufs de partager la même chambre sous prétexte qu’ils n’étaient pas mariés. Alors que bien des jeunes vivent sans être mariés !
Et puis, les personnes homosexuelles subissent souvent beaucoup de discriminations, voire de violences. Il faut bien se dire que quand on est homosexuel, ce n’est pas pour embêter l’entourage ! Cette situation ne se choisit pas. Il faut vivre avec au mieux. C’est vrai pour la personne homosexuelle, mais aussi pour la société.
Claire : Au final, que faut-il faire pour que nous soyons tous favorisés sexuellement ?
Catherine : Déjà, il faudrait que tout le monde ait accès aux traitements des IST dont le sida, à la contraception, au suivi de grossesses, que tout le monde ait accès à l’information sexuelle.
Et que tous les parents réussissent à faire passer le message que la sexualité est naturelle et que c’est même quelque chose de beau et de grand quand c’est vécu dans le plaisir et le respect de l’autre… Et c’est à chacun d’œuvrer pour cela, il ne faut pas attendre que les gouvernements fassent tout !
Ecouter la chronique du Dr Catherine Solano:
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