La mort et la sexualité

 

Catherine, vous allez nous parler des relations de la mort avec la sexualité.

Oui, c’est un sujet qui me tient énormément à cœur, car j’y suis souvent confrontée en consultation avec mes patients.

 

Claire : Quand la mort vient-elle sur le tapis dans une consultation de sexologie ?
 
Catherine : Elle vient souvent quand on parle des traumatismes. J’ai très souvent vu des cas où le décès d’un enfant bloquait la sexualité.
Je vous donne deux exemples : une jeune femme n’arrivait pas à avoir de relations sexuelles avec son mari. C’était le blocage total et depuis toujours. Elle vient donc me voir en consultation et il s’avère qu’elle a perdu son petit frère de 6 ans qui est mort d’une leucémie. Elle avait à l’époque une dizaine d’années. Il a suffit d’une consultation pour la débloquer. Et elle a pu commencer sa vie sexuelle.
 
Claire : Mais quel est le rapport entre la sexualité et ce décès ?
 
Catherine : Je pense qu’il se passe quelque chose en nous. Comme si le corps se disait : « Je ne veux pas faire l’amour, car je pourrais faire un bébé. Et s’il arrivait à cet enfant la même chose qu’à mon petit frère, je ne pourrais pas le supporter. Je ne peux pas risquer cela, c’est trop horrible. »
 
Claire : Vous avez un autre exemple ?

Catherine : Oui, un de mes patients a perdu son petit garçon de 5 ans. Il a été percuté par une voiture en traversant sur un passage piéton. Cet homme me disait : « Quand je suis au lit, si je m’approche de ma femme, j’ai l’image de mon petit garçon qui vient, et je ne peux pas aller plus loin. » Leur sexualité était complètement impossible. Ici, c’est encore la même chose, mais c’est plus évident. Faire l’amour devient dans l’inconscient, un geste qui peut donner la mort parce qu’il donne la vie. Risquer d’avoir un enfant, c’est aussi risquer de le voir mourir. Donc cela devient trop dangereux de faire l’amour.
 
Claire : On peut guérir de ce fonctionnement ?

Catherine : Bien sûr. Non seulement on peut guérir, mais on doit absolument guérir. Sinon, en quelque sorte, on accepterait que la mort qui l’emporterait sur la vie ! 
 
Claire : Parfois, il existe un fonctionnement contraire. L’idée de la mort peut stimuler la vie sexuelle ?

Catherine :
Oui, on sait qu’en temps de guerre, quand les gens se disent qu’ils pourraient mourir d’un instant à l’autre, la sexualité est une antidote à la peur de la mort. Les aviateurs qui risquaient leur vie dans des combats aériens avaient souvent des aventures sexuelles.Faire l’amour, dans de telles périodes, cela signifie : « je profite de la vie tant que je peux », bien sûr, mais surtout, « je suis encore vivant. » Et globalement tout le monde était très compréhensif vis-à-visde cette réaction qui est une réaction de survie. 
 
Et puis vous avez certainement remarqué. Quand quelqu’un d’âgé meurt dans une famille, il y a souvent une naissance peu après. Ou en tout cas, on relie cette naissance à la perte d’un être aimé. Et d’ailleurs, assez souvent, on donne au nouveau né, en deuxième prénom, le nom d’une personne décédée que l’on aimait. La sexualité est une énergie qui permet à la vie de l’emporter. De dire : « malgré tout, la vie continue »…
 
 
Claire : Et pour les personnes gravement malades, en fin de vie…

Catherine : Je pense que nous avons à avoir une réflexion importante à ce niveau. Quand quelqu’un est hospitalisé parce qu’il est gravement malade, ce serait très important de pouvoir lui offrir des moments d’intimité avec son ou sa partenaire.Pour leur permettre d’avoir une sexualité à leur manière. Pas forcément une relation sexuelle, parce que si l’on est très malade ce n’est pas forcément à l’ordre du jour. Mais une véritable intimité physique possible. Car la sexualité, c’est avant tout se sentir aimé. Et quand on est très malade, c’est un moment où l’on en a plus besoin que jamais. Donc réserver des moments d’intimité, pour parler, pour un massage, pour des caresses, pour s’embrasser, ce serait vraiment un droit important à développer. Il faudrait que l’on puisse mettre un petit écriteau sur la porte comme dans les hôtels : « ne pas déranger ». Car en général, on vous ouvre souvent la porte sans frapper. Ou bien, si c’est mieux, on frappe, et on ouvre sans attendre que quelqu’un dise « entrez » !
 
 Ecoutez la chronique du Dr Catherine Solano:

 

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