25 nov. 2011 - 15:54
Cela est bien sûr difficile, car tous ces facteurs sont liés, et interdépendants. Cependant des expériences sociales très intéressantes sont menées, en particulier aux Etats Unis. Si ce pays connaît des inégalités majeures dans l'habitat, les ressources, l'accès aux soins, il est aussi l'un de ceux où, sans remonter à Roosevelt et au New Deal, des expériences passionnantes sont menées par des instituts de recherche sociale financées par l'Etat fédéral (au moins sous la présidence Clinton), le Congrès, les universités, et le mécènat.
C'est le cas du Département du Logement et du Développement Urbain, avec un projet au long cours appelé « Moving to opportunity », ce que l'on pourrait traduire par « L'occasion de déménager », projet dont les résultats viennent d’être publiés dans le New England Journal of Medicine, la revue médicale de référence.
Est-ce à dire que l'on a donné à des familles la possibilité de changer de quartier, et de mesurer les résultats du déménagement sur la santé ?
Très exactement, avec l'ambition d'une véritable étude scientifique randomisée, c'est à dire en comparant l’évolution de 4500 famille, tirées au sort, et observées, avec leur accord, sur une période longue.
Concrètement il s'est agi de comparer trois groupes de familles américaines avec enfants, vivant dans des HLM (public housing) de quartiers où plus de 40% de la population vit sous le seuil de pauvreté. Dans ces familles on a suivi chez la mère de famille l'évolution de l'indice de masse corporelle, c'est à dire de l'obésité, et de la présence d'un diabète.
Un premier groupe recevait, non pas de l'argent liquide, mais des vouchers, c’est à dire des bons permettant d'accéder à un logement situé dans un quartier moins défavorisé (moins de 10% de familles sous le seuil de pauvreté), et des conseils pour réaliser ce déménagement. Le soutien financier était poursuivi si le déménagement était effectif.
Un deuxième groupe recevait un soutien financier plus traditionnel, et un troisième servait de groupe contrôle.
Les soutiens financiers ont été donnés entre 1994 et 1998. Les effets sur le poids et la proportion de diabétiques ont été mesurés entre 2008 et 2010, soit 12 à 13 ans plus tard.
Ces familles ont elles effectivement déménagé, et restant précaires par ailleurs, ont elles modifié leurs paramètres de santé ?
L'étude a été proposée dans une sélection de quartiers pauvres de Baltimore, Boston, Chicago, Los Angeles , New York : un quart des familles contactées a participé au tirage au sort des trois groupes et accepté les mesures du poids, de la taille, et le prélèvement sanguin pour la détection du diabète. Souvent il s'agissait de familles mono-parentales de femmes avec enfants, en majorité noires ou hispaniques. Environ 48% des familles recevant les bons de déménagement ont effectivement changé de quartier.
Les paramètres de santé ont été modifiés : la proportion de femmes très obèses, par exemple, qui était de 17% au départ est passée à 13%, soit une diminution significative de 19%.
De même la prévalence du diabète a diminué de 21%.
Ces améliorations n'ont pas été constatées dans les deux autres groupes.
Peut-on en tirer une conclusion sur un rôle direct de l'habitat et de l'environnement urbain sur le poids et le diabète, en dehors de considérations purement nutritionnelles et diététiques ?
Les auteurs ne le prétendent pas, mais ils versent au dossier de la lutte contre la précarité des données scientifiques solides et originales, (certainement très coûteuses à mettre en place), avec le mérite du nombre et de la durée.
En conclusion, vivre dans un environnement moins dégradé et plus sûr joue sans doute un rôle sur l’alimentation et l’exercice, malgré des ressources encore insuffisantes, et plus généralement contribue à améliorer le métabolisme et à diminuer l'incidence de l'obésité et du diabète.
Ecoutez la chronique du Pr Alain Krivitzky
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