Ce qui n'est pas de l'addiction sexuelle

 

Nous parlons d'addiction sexuelle depuis un moment, et vous avez choisi de nous parler de ce qui n'est pas de l'addiction sexuelle. Car bien des personnes se pensent anormales ou obsédées sur le plan de la sexualité, alors que leur comportement et leur fonctionnement est parfaitement normal. Alors, expliquez-nous à quoi vous pensez.


Catherine : Je pense en premier lieu à la masturbation. C'est une pratique quasi universelle chez l'homme après la puberté. Pourtant, nous avons encore beaucoup de questions. Beaucoup d'hommes me disent : « Je n'arrive pas à arrêter la masturbation, comment faire ? ». Parce qu'ils ont l'impression d'être dans l'addiction. Alors, il faut bien comprendre que même si cette addiction peut exister, dans 99% des cas, il ne s'agit pas du tout d'une addiction.

 

 

 

Au moment de la puberté, la pulsion sexuelle s'éveille, et elle est assez forte. D'autre part, à cet âge, une vie sexuelle régulière est rarement envisageable. Du coup, la masturbation tient une place de compensation, qui permet d'équilibrer les pulsions. Et puis, Elle permet aussi aux garçons, avant leurs premiers rapports sexuels, d'apprendre à connaître au moins un peu leur corps. Donc pratiquer la masturbation tous les jours n'est pas une anomalie. Ni la pratiquer deux fois par jour ou plus, ni la pratiquer une fois par mois seulement. Chacun trouve son équilibre à sa manière. Et même par la suite, bien des hommes affirment qu'ils ont deux vies sexuelles. Une de couple et une plus solitaire. Ce n'est pas anormal quand on vit en équilibre émotionnel et relationnel.

Claire : Mais alors, même si c'est plus rare, quand cela peut-il devenir une addiction ?
 
Catherine : Ce qui devient une addiction, c'est plutôt la manière de le pratiquer. Quand cette pratique devient envahissante et vous empêche de vivre normalement. Je pense à un homme qui pratiquait la masturbation des dizaines de fois par jour, et qui quittait son bureau pour aller dans les toilettes à chaque fois. Il ne pouvait quasiment plus travailler. Là, c'est franchement pathologique. Mais le plus souvent, c'est plus un problème d'angoisses très intenses qui sont insupportables, bien plus qu'un problème sexuel. Cette personne trouve une seule manière de calmer momentanément ses angoisses. Ça peut être la masturbation, comme pour d'autres, c'est le fait de manger et ça donne des comportements boulimiques.
 
Cela dit, le plus souvent, la compulsion liée à la masturbation est plus liée à la pornographie. C'est-à-dire que certains hommes utilisant les images pornographiques comme support, ne parviennent plus à s'en passer. Ils ne peuvent plus pratiquer la masturbation à l'aide de leur imaginaire. Et ces images peuvent empêcher les images de la vraie vie, en 3D d'être efficaces. C'est de plus en plus fréquent de voir des hommes qui disent qu'ils n'ont pas envie de leur partenaire et qu'il faut qu'ils regardent des images X pour éprouver du désir. Et des femmes se plaignent que leur mari n'a pas de désir et passe des nuits entières à regarder des images X.
 
Claire : Dans quelles autres circonstances une personne peut avoir l'impression d'avoir une addiction ?

Catherine : Et bien, il y a des hommes qui me disent : « je suis obsédé, je ne pense qu'au sexe... » Quand je cherche à comprendre, je m'aperçois que ce n'est pas du tout le cas. Un exemple. Cet homme me dit : « je suis obsédé, je ne pense qu'au sexe... » Je lui demande quelle est sa vie sexuelle, en dehors de ces pensées qui semblent le gêner. Il me répond : « j'ai un rapport sexuel à peu près tous les trois mois, parce que ma femme ne veut pas plus que ça... » C'est peu ! En réalité, en parlant avec lui, je comprends qu'il est simplement frustré de ne pas avoir une vie sexuelle plus régulière. Et en parlant, il convient que s'il avait un rapport sexuel par semaine, ce serait le paradis, et il estime qu'il ne se sentirait plus en tension de la même manière. Donc, ne pas avoir une vie sexuelle équilibrée contribue à déstabilisée le fonctionnement sexuel. Je le remarque souvent. Je me souviens d'un homme pour quoi tout allait bien. Sa femme a été gravement malade et hospitalisée pendant plus de 6 mois. Il avait 4 enfants à s'occuper et son travail et il se trouvait seul pour y faire face. Et bien, il s'est exhibé sexuellement devant une femme et il est venu me voir en catastrophe. Le stress très élevé + le surmenage + l'absence de relations sexuelles a fait craquer son équilibre. Et franchement, je pense que nous pouvons tous avoir des comportements bizarres si nous subissons des pressions insupportables.
 
Claire : Et quand un homme a de très nombreuses partenaires, est-ce qu'on peut dire qu'il souffre d'une addiction ?
 
Catherine : Non. Un homme qui est un don Juan, qui aime séduire, qui a des aventures n'est pas spécialement un homme qui souffre d'addiction. Il peut être heureux dans ce mode de vie et s'épanouir ainsi. D'ailleurs, il s'agit souvent plutôt d'une manière de vivre pendant un temps, avant d'être en couple, après une rupture, mais les hommes qui vivent sur ce modèle toute leur vie sont rares. Il s'agit plus souvent plutôt d'une peur de l'engagement ou du plaisir de séduire que d'une addiction sexuelle.
 
Claire : Et les relations extra-conjugales, sont-elles dues à une addiction sexuelle ?
 
Catherine : Non, une relation extra-conjugale n'est pas du tout systématiquement liée à une addiction sexuelle. Ce sont deux choses très différentes. Une personne qui a une relation en dehors de son couple la vit souvent parce qu'elle est frustrée en couple, et pas forcément sur le plan sexuel. Son couple ne la comble pas alors elle va chercher ailleurs. Et ce n'est pas rare pour la bonne raison qu'il est quasiment impossible de combler quelqu'un à 100 %.
Cela dit, bien sûr, il existe des personnes qui ont des relations multiples et qui vivent des relations extra-conjugales dans le cadre d'une addiction sexuelle, mais c'est une minorité.
 
Au total, nous avons tous tendance à porter un jugement sur des comportements que nous ne comprenons pas bien ou qui peuvent nous paraître immoraux. Qu'il s'agisse de nous même ou de quelqu'un de notre entourage. En fait, il est important à apprendre à prendre un peu de distance et tenter de comprendre ce qui se passe dans la tête, le corps et le corps d'une personne avant de donner un avis. C'est exactement ce que font les psychiatre : mieux comprendre pour mieux aider chaque patient à trouver son harmonie.
Ecoutez la chronique du Dr C. Solano

 

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