Annulation d’une recommandation de la Haute Autorité de Santé

 

Une énorme surprise secoue depuis 3 jours le monde médical et les millions de diabétiques en France : la recommandation de traitement du diabète de type 2, véritable bible de la prise en charge de cette maladie, publiée en 2006 par la Haute Autorité de Santé (HAS), est annulée par le Conseil d’Etat.
Pouvez-vous nous en expliquer les raisons et les conséquences ? S’agit-il d’un nouveau scandale lié à un laboratoire pharmaceutique ?

 

 

 
En quelques mots indiquons d’abord ce que sont l’HAS et ses recommandations. La Haute Autorité de Santé est une institution publique créée par une loi de 2004. elle est chargée d’élaborer des règles de prise en charge des maladies, de formuler des avis dans tous les domaines de la santé : elle dispose ainsi d’une autorité beaucoup plus large que l’AFSSAPS. (l’AFSSAPS : cette agence publique très impliquée récemment dans l’affaire du Mediator parce qu’elle veille à la sécurité des médicaments).
Les principales missions de l’HAS sont : l’aide aux pouvoirs publics dans la décision de remboursement des actes et produits médicaux , des affections de longue durée dites à 100%, les accords conventionnels avec les médecins, l’évaluation en santé publique, l’élaboration des recommandations, c’est à dire des guides de prise en charge de ces affections de longue durée, la certification des hôpitaux et cliniques, l’évaluation des pratiques professionnelles, etc.. Elle est dirigée par un Collège de 8 membres nommés par le Président de la République sur proposition de l’Assemblée, du Sénat et du Conseil économique et social.
 
La recommandation de prise en charge du diabète de type 2 a été publiée en 2006. Elle précise à l’intention des médecins les bonnes pratiques de traitement, en s’appuyant sur les travaux de plusieurs années d’une commission de spécialistes reconnus. Lorsqu’un médecin demande à la Sécurité Sociale la prise en charge à 100% d’un patient diabétique, il s’appuie sur cette recommandation, qui prévoit, par exemple, le recours annuel à un ophtalmologiste, des bilans réguliers du cœur, des vaisseaux, des reins, et la prescription des médicaments selon un arbre de décision motivé.
 
 
Mais cette recommandation était-elle erronée, inadaptée, ou dépassée, pour être aussi brutalement annulée ?
 
Non, le fond des recommandations n’est pas remis en cause, même si la prise en charge évolue, et d’ailleurs le chantier de la nouvelle recommandation est en cours depuis une réunion de cadrage de septembre 2010, avec une publication prévue pour 2012.
Le Conseil d’Etat, sur la requête d’un groupe de médecins indépendants le FORMINDEP, a invalidé la recommandation de 2006 parce que plusieurs membres de la commission de spécialistes du diabète n’avaient pas fourni la liste de leurs « conflits d’intérêt », c’est-à-dire la liste des collaborations, bourses, invitations à des congrès, reçues par eux de la part de laboratoires pharmaceutiques fabriquant des médicaments anti-diabétiques. Ce manque de transparence pouvait en effet laisser penser que leurs recommandations n’étaient pas neutres.
 
 
 
 
 
Nous serions alors, une nouvelle fois, en présence d’une influence des laboratoires privés sur la prise en charge des maladies par l’Etat et la protection sociale ?
 
Je soigne des diabétiques depuis plusieurs dizaines d’années, je connais ces recommandations, l’expérience clinique et les articles scientifiques qui en sont le matériau de base, et je peux vous dire que ces règles de prise en charge sont raisonnables, objectives, et évolutives selon le degré de déséquilibre de la maladie, selon ses complications, et en suivant les résultats des grands essais thérapeutiques.
Je connais aussi le président et le vice-président de la commission de spécialistes du diabète et si, comme tous les spécialistes hospitaliers ils ont eu à collaborer avec les laboratoires pour tester des produits, ils gardent leur indépendance d’esprit et de jugement. 
Nous sommes très loin ici des pressions exercées par un laboratoire, par exemple pour cacher les propriétés d’un coupe-faim !
 
Je suis parfaitement d’accord avec ceux qui exigent la transparence sur les possibles conflits d’intérêt, et l’AFSSAPS aussi bien que l’HAS doivent s’y conformer. Mais faisons attention à ne pas donner systématiquement crédit à des slogans ou à des publications démagogiques.
 Je vous en donne un exemple, celui de la liste des « 77 médicaments dangereux », dont nous avons récemment parlé : un médicament indispensable, connu depuis des années, dans les maladies thyroïdiennes, le *Lévothyrox, figurait sur cette liste, pour un problème avec ses génériques ; des patients l’ont arrêté, avec de gros risques pour leur santé cardiaque ; de même certains ont arrêté l’insuline…
 
 
Finalement, il n’y a donc plus de recommandations de prise en charge du diabète ?
 
Oui, et c’est paradoxal ! on est ramené aux recommandations antérieures…Si cela continue, on en reviendrait à goûter les urines pour y déceler le sucre… ou plus sérieusement à des insulines et à des médicaments complètement dépassés, ceux d’une époque où l’équilibre du diabète de type 2 était beaucoup plus rarement obtenu.
 
Pour rester plus positif, la prochaine recommandation va prendre en compte les grands essais récents, les suites à long terme des essais anciens, et les données médico-économiques, par exemple sur les nouveaux médicaments. Espérons que le « statut de l’expert » en cours d’élaboration mettra les recommandations et leurs auteurs à l’abri du soupçon systématique..
Ecouter la chronique du Pr A. Krivitzky
 

 

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