25 févr. 2011 - 12:40
Nous devons nous replacer dans le contexte actuel de l’alarme, justifiée, vis-à-vis des médicaments, de leur toxicité possible, et des échecs de la « pharmaco-vigilance » concernant le Mediator.
Nous reviendrons bientôt en détail sur les conséquences de ce scandale, en particulier sur les réformes envisagées du système de surveillance des médicaments par les autorités de santé.
C’est dans ce climat de doute sur la réalité et l’efficacité de la pharmaco-vigilance que l’Agence de sécurité sanitaire a voulu, dès maintenant, manifester une plus grande transparence sur les médicaments existants en publiant cette liste de 77 médicaments qui sont surveillés de manière plus étroite.
Il s’agit de produits autorisés, déjà utilisés, déjà testés avant leur mise sur le marché, ayant montré en principe un bénéfice médical réel par rapport aux risques d’effets négatifs. Certains sont très anciens et très couramment utilisés, d’autres beaucoup plus récents. Les maladies traitées sont diverses, relativement bénignes comme l’acné ou le surpoids, ou au contraire sévères, comme des cancers ou des leucémies. Certains de ces produits sont d’ailleurs en vente libre, la pilule ALLI par exemple.
Ces médicaments sont plus surveillés que d’autres, soit parce qu’ils sont récents et qu’un recul de plusieurs mois ou années est nécessaire pour en apprécier pleinement les bénéfices et les risques, soit parce que des alertes récentes sont parvenues signalant des accidents inconnus jusque-là, ou très exceptionnels.
Pourquoi des médicaments aussi divers se retrouvent ils sur une même liste, avec le risque d’inquiéter à tort, et même de faire interrompre un traitement indispensable ?
Le risque est effectivement celui de la confusion entre des situations très diverses. Prenons quelques exemples.
Des médicaments majeurs des leucémies, ou du myélome, sont surveillés, mais le risque de ces maladies étant vital, le traitement restera sans doute indispensable, ce qui n’exclut pas de surveiller et de répertorier ses inconvénients.
De nouveaux médicaments du diabète sont apparus depuis quelques années, ils ont fait beaucoup pour améliorer le suivi des patients, ils sont, (contrairement au Mediator), réellement actifs sur le diabète, mais une surveillance de plusieurs années devra être maintenue pour en apprécier complètement le bénéfice et les effets gênants éventuels.
Les médicaments de substitution aux drogues dures sont surveillés parce qu’ils sont parfois détournés et revendus : c’est ici plus un problème de santé et de sécurité publique qu’un problème de pharmaco-vigilance.
Un médicament indispensable, bien connu, et efficace pour traiter l’insuffisance thyroïdienne figure sur cette « liste des 77 », le Lévothyrox, parce que certains de ses génériques seraient, de façon très marginale, moins efficaces.. Ici aucune raison de s’inquiéter, le médicament doit être prescrit à bon escient avec une surveillance très simple.
Un dernier exemple qui fait beaucoup réagir, est celui du Di-Antalvic, médicament trèsclassique et efficace de la douleur, il va être retiré le 1er mars, non pas tant pour un risque suicidaire, assez inexistant en France avec ce produit, mais en raison de statistiques américaines signalant un risque cardiaque.
Estimez-vous dans ces conditions que désormais les autorités de santé en font trop, comme pour se faire pardonner des négligences vis-à-vis du Mediator ?
Sans doute le public, les patients, les soignants eux-mêmes ne sont ils pas habitués à une telle transparence !
Mais il vaut certainement mieux pencher de ce côté que répéter les erreurs et complaisances révélées par ce scandale.
Il faut s’habituer à cette notion de suivi du rapport bénéfices/risques, afin de maintenir pour les maladies sérieuses les traitements indispensables. Chacun devrait savoir que le médicament n’est ni un bonbon, ni un poison, ce que l’éducation des prescripteurs et des patients devrait permettre de mieux comprendre.
Ecouter la chronique du
Pr Alain Krivitzky:
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