21 janv. 2011 - 12:47
Catherine : Manger et faire l'amour sont deux comportements vitaux et instinctifs. Manger est un besoin vital. Si on ne mange pas, on meurt. Et c'est pareil pour la sexualité. Si nous ne faisons pas l'amour, nous mourons. Pas individuellement, mais au niveau de l'espèce. C'est pourquoi la pulsion sexuelle est aussi forte que la pulsion de manger.
Et ça commence très tôt dans la vie. À la naissance, un bébé a très souvent faim. Et il ne supporte pas d'avoir faim. Il hurle. Mais il a aussi des besoins corporels, des besoins d'être pris dans les bras. Si ces besoins de contacts corporels ne sont pas comblés, il hurle pour obtenir ce dont il a besoin.
Il hurle parce que s'il n'a pas à manger, s'il ne reçoit pas de câlins, il peut mourir...
Quand on grandit, on garde exactement les mêmes besoins qu'un enfant. On a besoin de manger sous peine de mourir de faim et l'on a besoin de recevoir de l'amour, des contacts corporels sous peine de déprimer gravement parfois jusqu'à se laisser mourir aussi. Mais la différence avec un enfant, c'est que nous, adultes, nous pouvons attendre. Quand nous avons faim, nous ne crions pas, nous préparons à manger, nous attendons l'heure du repas. Si nous sommes célibataires, nous attendons de recontrer l'âme soeur, nous agissons. Il n'y a qu'à voir les sites de rencontres...
Claire : et dans le fonctionnement sexuel et alimentaire, vous voyez aussi des similitudes ?
Catherine : Oui, il y en a beaucoup. Commençons d'abord par le désir. La faim est l'envie de manger ; il correspond au désir sexuel est l'envie de faire l'amour. Quand nous ressentons ces désirs, notre corps réagit. Il fabrique de la salive, ou pour la sexualité, il fabrique un fluide de lubrification chez la femme ou une érection chez l'homme. Notre sensibilité au plaisir est alors augmentée. On dit que la faim est le meilleur des assaisonnements. Autrement dit, si vous avez faim, vous trouvez la nourriture bien meilleure. Idem pour la sexualité. Plus votre désir est profond, plus vous éprouvez de plaisir à faire l'amour.
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Et puis, quand vous avez mangé, vous êtes rassasié. Vous n'avez plus faim. C'est la même chose pour la sexualité : une fois que vous avez eu une relation sexuelle satisfaisante, vous êtes comblé pour un moment...
Claire : il y a des personnes qui ne sont jamais comblées...
Catherine : Exactement. Il existe des boulimiques qui mangent sans faim réelle, qui se font du mal en mangeant trop. De la même manière, il existe des boulimiques de sexe. Des personnes qui ne sont jamais comblées par l'amour qui sont des dépendants sexuels qui vivent une fuite en avant dans la sexualité, une conduite compulsive. La boulimie alimentaire, comme la boulimie sexuelle correspondent exactement aux mêmes mécanismes. La personne qui vit ces problèmes a en réalité un profond manque affectif. Elle cherche à le combler, par la nourriture ou par les relations sexuelles, par le plaisir sexuel. Mais ce n'est pas efficace. Si ce dont vous avez besoin est de confiance profonde en votre capacité à être aimé, une fuite en avant ne résout rien. Manger ou regarder de la pornographie quand on se sent seul, ne résout rien. C'est pour cela que ça devient une addiction. Sur le moment, on croit être mieux, mais il n'en est rien, donc on continue à reproduire ce comportement pourtant inefficace.
Claire : Et dans le couple, est-ce que vous pouvez encore comparer la sexualité à la manière de manger ?
Catherine : Bien sûr. Ce qui me semble important, c'est qu'il existe plusieurs manières agréables de manger, comme il existe plusieurs manières agréables de faire l'amour.
Vous pouvez marcher dans la rue et tout à coup avoir un petit creux. Vous achetez un sandwich et ça vous fait du bien. Ce n'est pas de la grande cuisine, mais ça comble votre faim. En amour, on peut avoir une petite envie, et faire l'amour ensemble rapidement, sans chercher grand chose de plus qu'un soulagement. Et cela peut être agréable. On appelle parfois cela un quickie, ou un petit coup vite fait !
Mais on peut aussi faire de la bonne cuisine familiale. On prend son temps de faire à manger, on parle ensemble, on se sent bien dans un environnement sécurisant, chez soi. En amour, ce serait la relation sexuelle classique avec notre conjoint que l'on connaît depuis longtemps. Et c'est aussi très agréable.
Et puis, on peut de temps à autre avoir envie d'expérimenter une nouvelle recette... En cuisine ou en amour. Acheter un ingrédient inhabituel, peut-être trouver une idée dans un livre de cuisine ou dans un article sur la sexualité. On va par exemple essayer l'amour les yeux bandés ou bien faire une surprise à l'autre...
On peut aussi décider de réserver une table dans un grand restaurant. Dans ce cas, on se préparer à l'avance, on prévoit de s'habiller très chic, on s'organise pour faire garder les enfants... En amour, on peut aussi programmer une soirée plus érotique. Prévoir une musique romantique, des sous-vêtements plus sexy pour les femmes, du parfum d'ambiance, des bougies, etc... C'est ainsi que programmer une relation sexuelle peut se révéler un moment très apprécié contrairement à ce que pensent certaines personnes qui pensent que ça doit toujours être spontané.
J'ajouterais encore que pour la sexualité comme pour l'alimentation, se forcer n'est jamais bon. Se forcer à manger quand on n'a pas faim vous dégoûte. Se forcer à faire l'amour quand on n'éprouve aucun désir a plutôt tendance à vous bloquer. Alors, il faut savoir s'écouter.
Claire : en conclusion ?
Catherine : Il me semble qu'il est bon d'avoir conscience que la sexualité est, comme le fait de se nourrir quelque chose de vital. C'est une force très puissante qui nous dépasse et avec laquelle il faut savoir composer pour en tirer le plus de plaisir possible et le moins de douleurs possibles. Les humains en sont capables, ils sont les seuls êtres vivants à avoir inventé à la fois la bonne cuisine et l'art sexuel, kama sûtra, tantra, tao. Les animaux, eux, en sont incapables !
Ecoutez la chronique du Dr C. Solano
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