Claire Hédon, journaliste à RFI présente depuis 2003 une émission consacrée à la santé dans le monde :"Priorité Santé". Le but : faire de la prévention auprès du grand public, l’informer sur ses droits, sur les traitements et les moyens d’y accéder.
Le Mediator, médicament prescrit à des personnes en surcharge de poids et à des diabétiques, déjà retiré des pharmacies il y a un an, vient de faire l’objet d’une information de l’Agence de Sécurité Sanitaire des Produits de Santé (AFSSAPS), qui recommande un examen médical de tous les patients ayant reçu ce médicament dans le passé. Pourquoi cette « information » aujourd’hui, pour un traitement prescrit assez largement depuis plus de 30 ans ?
Le Mediator est le nom commercial du Benfluorex. Il a effectivement été proposé comme ayant une relative efficacité dans le diabète de type 2, l’excès de triglycérides dans le sang et comme favorisant la perte de poids et diminuant l’appétit. C’était déjà un peu trop beau pour une molécule qui n’a jamais pu établir un vrai bénéfice au cours de ce que l’on appelle des « études contrôlées ». D’ailleurs ce médicament était peu prescrit par les spécialistes de ces affections, mais il est resté assez populaire dans le public, en raison de ses effets supposés sur tous ces troubles du métabolisme et du poids. On estime à 5 millions de personnes les sujets traités en France entre 1976 et 2009, pour une durée moyenne de 18 mois.
Heureusement l’immense majorité d’entre elles n’aura pas de problèmes sérieux, cependant une vérification cardiaque et respiratoire est actuellement conseillée en raison de la possibilité d'atteintes cardiaques ou respiratoires sévères.
Comment est-il possible qu' un traitement de cet excès de poids, de sucre, ou de graisses dans le sang a-t-il pu provoquer un problème de cette gravité, sans avoir été dépisté plus tôt ?
Il s’agit manifestement d’un échec de la pharmaco-vigilance, alors que la nature chimique du Mediator est en fait assez voisine de dérivés des amphétamines qui ont dans le passé dû être retirées des pharmacies en raison de leurs effets sur le système nerveux et sur l’appareil cardiaque et respiratoire, comme l’Isoméride , retiré en 1997.
Aux Etats Unis et en Espagne cette vigilance avait fait retirer ce produit en 1997 et en 2003.
C’est seulement en 2006 qu’un premier cas de fuite sur une valve (soupape) cardiaque a été rapporté en France. Des cas antérieurs, au nombre de trois, n’avaient pas été imputés à ce traitement, les lésions constatées alors pouvant avoir d’autres causes. Les choses se sont ensuite accélérées, avec un deuxième cas en 2008. Le recensement systématique des cas dans les centres de pharmaco-vigilance, alors enfin conduit, a dénombrer 42 cas en novembre 2009 : le produit est alors retiré, puis encore 19 cas depuis un an .
Imputer ces troubles cardiaques, qui peuvent justifier une correction chirurgicale, à la prise de Benfluorex, n’était pas forcément facile, car ces maladies sont relativement fréquentes, notamment chez les diabétiques avec artériosclérose, même sans exposition à ce médicament.
C’est cependant la tâche première des centres de pharmaco-vigilance, pourtant en principe très bien organisés en France…
On sait d'ailleurs qu' une spécialiste de pneumologie à Brest, le Docteur Irène Frachon, avait de façon claire signalé le danger du Mediator dans un livre paru en 2009.
On estime, selon une évaluation fournie par l'AFSSAPS, à plusieurs centaines le nombre de personnes qui ont pu mourir de troubles cardiaques provoqués par le Mediator, ce qui est quand même stupéfiant pour un médicament qui semblait plutôt anodin, voire même proche d'un placebo! Il se peut que ce soit là une des causes du peu d'attention qui lui a été porté..Il faut bien sûr s'attendre à des développements judiciaires majeurs de cette affaire.
En quelques mois deux médicaments antidiabétiques ont été retirés en raison de risques cardiaques : doit-on remettre en cause les progrès récents dans le traitement de cette maladie qui connaît par ailleurs une extension épidémique ?
Il importe de distinguer le retrait récent d'un médicament réellement actif dans le diabète, la Rosiglitazone, par application stricte d'un principe de précaution fondé sur des statistiques discutées et rediscutées, du retrait tardif et de la mise en accusation d'un traitement d'efficacité douteuse et de toxicité assez prévisible qui aurait dû alerter plus tôt.
Les progrès dans le traitement du diabète sont réels, l’enjeu est immense, et concerne bien sûr autant l’hygiène de vie que les médicaments. Pour ceux-ci il importe de garder à l’esprit le fameux rapport entre les bénéfices attendus et les risques potentiels d’un traitement ; dans le cas du Mediator ce rapport était manifestement défavorable.
Le Mediator faisait partie des thérapeutiques censées aider à maigrir.Y a-t-il une malédiction sur tous les médicaments jouant sur l'appétit ou permettant de perdre des kilos excédentaires ?
Il est vrai que tous les coupe-faim ont dû successivement disparaître des étagères des pharmacies, même si certains « amaigrisseurs » réussissaient à les prescrire encore à une clientèle à la recherche de la pilule miracle qui n'existe pas. Nous aurons l'occasion d' y revenir,mais il est exact que la panoplie déjà restreinte des médicaments de l'obésité s'est encore réduite, du fait de complications neuro-psychiâtriques ou cardio respiratoires parfois sévères comme celle qui est rapportée aujourd'hui
Ecoutez la chronique du Pr Krivitzky
Claire Hédon, journaliste à RFI présente depuis 2003 une émission consacrée à la santé dans le monde :"Priorité Santé". Le but : faire de la prévention auprès du grand public, l’informer sur ses droits, sur les traitements et les moyens d’y accéder.
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