L'affaire de l'hormone de croissance

 

Le nouveau procès dit « de l'hormone de croissance » vient de commencer devant le tribunal correctionnel de Paris, le parquet ayant fait appel du jugement de relaxe prononcé en janvier 2009.
Pourriez vous nous donner des éléments permettant de mieux comprendre ce procès en appel, où se confrontent des familles frappées par la maladie et la mort de leurs enfants et des prévenus âgés : médecin, biologiste, pharmacien, qui seraient responsables de ce drame?

 

 

 
Cette affaire, ce procès, illustre les conséquences dramatiques de la transmission de maladies
par des extraits de tissus biologiques porteurs d'agents infectieux dits non conventionnels et non décelés par les méthodes biologiques habituelles. Il s'agit ici des prions, responsables de la maladie de Creutzfeld Jacob.
On sait aujourd'hui que cette forme mortelle de démence est dans certainscas d'origine infectieuse transmissible à partir de tissus infectés, essentiellement le tissu nerveux.
 
 
Comment ces prions ont ils pu contaminer des enfants ?
 
Cette contamination s'est faite à l'occasion du traitement d'enfants de très petite taille en raison d'un déficit d'une hormone d'origine hypophysaire, l'hormone de croissance. Ce traitement était impossible avant 1974. A partir de cette époque il a été possible de traiter ces formes de nanisme par des injections d'hormone de croissance extraites d'hypophyse de sujets décédés. Je rappelle que cette technique est utilisée pour certaines greffes, celles de cornée par exemple.
 
C'est à partir de ces prélèvements que des contaminations ont pu se produire, l'hypophyse étant située à la base du cerveau et certains donneurs décédés pouvant être porteurs d'une infection à prions, agents inconnus à l'époque.
 
Gajdusek (prix Nobel de médecine en1976) a découvert dans le cerveau de sujets mélanésiens l'agent d'une démence transmissible,le « kuru », puis Prusiner (prix Nobel en 1997) à identifié la protéine anormale prion comme la responsable de l'encéphalite bovine spongiforme (ou maladie de la vache folle). En 1974 cet agent était inconnu, et les traitements à base d'hypophyse humaine n'étaient pas suspects de pouvoir transmettre la maladie de Creutzfeld Jacob.
 
 
Mais cette transmission a eu de terribles conséquences, puisque 115 jeunes gens ont souffert de cette démence et sont morts, et plusieurs centaines d'autres, traités entre 1983 et 1985, vivent dans l'angoisse d'en mourir à leur tour. Il semble que les patients français ont été plus nombreux qu'ailleurs à être touchés. Y a-t-il une explication à cette plus forte incidence ?
 
C'est effectivement ce que les familles et la justice veulent déterminer, en sachant que la responsabilité de cette transmission par un prélèvement d'hypophyse a été établi après le décès d'un patient aux Etats Unis en 1985. En France une première plainte a été déposée en 1991par les parents d'un jeune homme décédé de la maladie de Creutzfeld Jacob, traité depuis 1983.
 
Parmi les interrogations sur les responsabilités, on peut retenir :
 
Fallait-il écarter des hypophyses selon la maladie dont souffraient les donneurs potentiels ?En effet les sujets décédés étaient souvent soignés pour des maladies du système nerveux.
 
Le prélèvement s'effectuait-il dans de bonnes conditions d'hygiène et d'asepsie ? En particulier un lot de 17000 glandes prélevées en Bulgarie soulève un doute majeur.
La technique de prélèvement par voie nasale était elle sûre, car risquant d'être contaminée par le tissu cérébral voisin ?
 
L'achat d'extraits d'hypophyse en Belgique a-t-il donné lieu à des commissions ?
En première instance le tribunal a prononcé la relaxe des professionnels de santé responsables de l 'association France Hypophyse. L'appel devra déterminer si des fautes graves ou des négligences dans la collecte et la diffusion des extraits hypophysaires ont effectivement été commises.
 
 
Le traitement de ces nanismes et de ces très petites tailles est-il aujourd'hui dépourvu de tout risque de transmission d'une maladie ?
 
Oui, depuis 1988 ce traitement est effectué avec une hormone de croissance entièrement synthétique identique à l'hormone naturelle. Ce traitement s'effectue par injections sous cutanées et donne de bons résultats sur la taille. Il est bien entendu réservé aux sujets réellement déficitaires en cette hormone, sur la base de tests biologiques. Il ne présente aucun risque de transmission d'un agent infectieux.
 
Ecoutez le Pr Alain Krivitzky

 

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