La première violence faite à une femme, c’est de l’obliger de se marier et d’avoir des relations sexuelles avec un homme alors qu’elle n’est pas d’accord. Cela se produit encore dans certains pays où l’on marie les femmes ou les petites filles très très jeunes à un âge où elles sont encore des enfants. Je pense par exemple au Yémen ou à l’Afghanistan. Dans ces conditions, les relations sexuelles peuvent être qualifiés de viols.

Vous êtes vraiment contre les mariages arrangés...

Pas forcément à 100 %. Attention, tous les mariages arrangés ne sont pas source de violences conjugales. Il existe des endroits où la famille présente quelqu’un qu’elle a choisi à une jeune fille ou un jeune garçon et les laisse donner leur avis. Les futurs mariés ne sont pas tous seuls pour se choisir, mais ils ne sont pas non plus des pions. Et cela peut former des couples très heureux !

La violence sexuelle dans le couple, cela donne une très mauvaise image des hommes... Pourquoi en arrivent-ils là ?

Tout d’abord, je pense que souvent, on ne leur a pas appris dans leur enfance à respecter les femmes. S’ils ne sont pas éduqués, ils ne savent pas se comporter de manière respectueuse. Pourquoi ne sont-ils pas éduqués ? C’est qu’ils ont vu leur père se comporter ainsi et qu’ils reproduisent la même chose. Cela peut être aussi dû à un manque d’estime de soi, à une violence intérieure, une sorte de dépression qui s’extériorise sur la personne la plus faible de l’entourage.
Mais ne voudrais pas non plus accabler les hommes. En réalité, les femmes aussi participent parfois à cette violence sexuelle envers les femmes. La mère d’une toute jeune fille qui lui impose un mari beaucoup plus âgée est autant en cause que son père. Cela dit, elle peut n’avoir jamais connu autre chose ! Il y a sans doute un cercle de fatalité à briser pour que les comportements évoluent.

il n’y a pas que dans les mariages forcés que l’on observe des violences sexuelles...

Bien sûr que non. Une femme peut se marier par amour et s’apercevoir que son mari devient alcoolique, drogué, ou dépressif et qu’il devient aussi violent.

Quelles sont les conséquences de ces violences sexuelles ?

La première c’est l’impossibilité d’imaginer que faire l’amour puisse être un plaisir. Je suis parfois stupéfaite d’entendre des femmes me dire « l’amour, ça fait mal, les hommes aiment ça, mais pas les femmes... » Or, en France, on voit partout dans les magazines des articles sur le plaisir féminin. Quand on est enfermée dans la violence, on ne voit même pas que ce plaisir existe.
La deuxième conséquence, c’est le fait que ces femmes se referment sur elles-mêmes. Elles n’ont plus confiance en personne. Leurs parents les ont mises dans une situation terrifiante et le couple, qui devrait être un lieu de confiance est un lieu de violence. Elles n’ont pas d’endroit où se reposer, se sentir en confiance. Elles vivent dans une angoisse permanente. Du coup, c’est difficile pour elles de demander de l’aide. Elles n’ont plus confiance en personne.
Et puis, elles peuvent entrer en dépression. Penser qu’il leur sera impossible de sortir de cette situation terrifiante.

Et sur le plan de leur sexualité, est-ce qu’elles ont quand même des chances de s’épanouir ?

Tant qu’une femme est dans une situation de violence, son souci, sa priorité, ce n’est pas vraiment l’épanouissement sexuel. C’est d’abord de sortir de la violence. Par la suite, pourtant, elles y pensent, heureusement. La première difficulté est de rencontrer un homme bien. Elles ont du mal à croire que cela existe. Et si elles le rencontrent, elles ont peur de lui parler de leur expérience négative.
Elles peuvent avoir un manque de désir, d’excitation, des douleurs, un vaginisme qui correspond à une impossibilité de supporter la pénétration tellement elles sont crispées. Mais cela peut parfois aussi bien se passer quand elles se sentent fortes d’avoir réussi à sortir d’une situation difficile. Elles se sentent alors pleines d’énergie et capables d’avancer.

la violence sexuelle conjugale n’est pas la seule violence sexuelle que subissent les femmes...

Non bien sûr, la violence sexuelle peut se manifester aussi et c’est malheureusement très fréquent, dans les agressions sexuelles en dehors du couple. Au niveau mondial, Human Right Watch (1) considère que 53 % des femmes ne cherchent pas d’aide après un viol. Et quand elles le font, c’est en moyenne 5 mois après le viol et elles s’adressent au secteur médical ou à des tradipraticiens.
On imagine la souffrance cachée qui est énorme !
Beaucoup de médecins découvrent des violences sexuelles faites aux femmes en les soignant : cicatrices, lésions internes, fractures, plaies ou contusions, griffures, morsures...

que peut-on faire contre ces horreurs ?

Il faut bien sûr aider, soigner ces femmes physiquement, les soutenir psychologiquement, leur permettre de réparer leurs souffrances. Et leur dire qu’il est possible de trouver la paix et l’harmonie même après avoir subi des violences.
Mais tout aussi important, c’est la mission que nous devons nous donner d’éduquer les jeunes générations à refuser cette violence. Les parents doivent éduquer leurs parents à respecter l’autre, toujours, dans toutes les circonstances et aussi à se faire respecter. C’est la seule solution pour casser la chaîne de la violence.

alors, nous avons tous du pain sur la planche !!!

D’après Human Rights Watch [3], au niveau mondial, seulement 53% des femmes cherchent de l’aide après un viol. Parmi celles-ci, 80% s’adressent au secteur médical (hôpitaux, centres de santé, tradipraticiens). La majorité d’entre elles demandent assistance en moyenne 5 mois après le viol [4]

(1) : Cité par M. Osorio in « Sexual and gender based violence”, workshop 2005, MSF..

Ecouter la chronique du Dr Solano: