Droits des enfants et essais thérapeutiques

Nous avons abordé récemment la question des essais thérapeutiques des nouveaux médicaments, par exemple les règles de protection des personnes, l’interprétation des résultats, la comparaison avec des placebos, etc. Ces méthodes scientifiques, qui demandent un accord raisonné du patient, sont elles applicables chez l’enfant ?

 

 

Tout d’abord il faut souligner que l’enfant n’est pas un « adulte en réduction », et qu’il ne suffit pas d’adapter les doses à son poids pour lui donner un traitement avec le même bénéfice et la même sécurité que chez un adulte.
L’enfant a des spécificités dans le devenir, la transformation, l’élimination des substances absorbées, il a aussi des maladies qui lui sont propres, enfin lui aussi doit bénéficier des progrès thérapeutiques : chez lui, comme chez l’adulte, les essais contrôlés sont indispensables, pour être sûr que le meilleur traitement lui sera donné.
 
Les traitements donnés aux enfants répondent-ils tous à ces critères, que ce soit sur prescription médicale, ou en « piochant » dans l’armoire à pharmacie familiale?
 
Hélas, non ! Pour ce qui est de la prescription par les parents sans avis médical, de fréquentes mises en garde sont faites, il s‘agit en général de produits courants, tels aspirine, paracétamol, sirop pour la toux, et c‘est surtout la dose, plutôt que le produit, qui peut être tout à fait inappropriée.
Cependant en clinique ou même à l’hôpital plusieurs études ont montré que les médicaments donnés à des nourrissons ou à des enfants étaient loin de leur être toujours spécifiquement adaptés.
 
Si des essais thérapeutiques doivent être conduits chez des enfants, quelles en sont les règles, par exemple pour le consentement ?
 
L’Europe et les Etats-Unis ont édité des règles de conduite éthique de ces essais. Notamment des entretiens réguliers entre le chercheur investigateur, les parents et l’enfant lui-même sont recommandés et consignés par écrit, expliquant l’intérêt de rechercher un nouveau traitement, ses effets secondaires possibles, et bien sûr ses contraintes. Par exemple, et ceci est un vrai problème parfois, il faut répondre à la crainte des prises de sang indispensables pour surveiller la tolérance du foie, des reins, mais aussi l’évolution du taux du médicament au cours des heures ou des jours après la prise
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Le consentement des parents est indispensable, il ne doit pas, et ceci est fondamental, être l’occasion d’un bénéfice financier, pour l’enfant ni pour les parents. On a observé des dérives, et des pressions indirectes de ce type auprès de populations défavorisées. La seule perspective de disposer gratuitement des médicaments de l’essai peut représenter une incitation au consentement même si la compensation des frais de déplacement de la famille est nécessaire.
 
Il est préférable que l’investigateur ne soit pas le médecin traitant, afin de garder plus de neutralité dans la proposition.
L’enfant par exemple à partir de 5-6 ans doit recevoir des explications spécifiques adaptées à son âge, il doit être lui-même d’accord, et pouvoir arrêter l’essai s’il le veut.
 
 
 
Les pratiques de ces essais, notamment des prises de sang doivent donc être différentes ?
 
Des techniques de micro-prélèvements, en particulier chez les nourrissons, ont été mises au point et devraient d’ailleurs être utilisables plus souvent chez l’adulte ! On peut aussi mettre en place dans une veine un petit cathéter sans avoir à piquer plusieurs fois. Des mesures faites dans la respiration ou dans l’urine sont moins pénibles, enfin les anesthésiques de contact et un calmant léger peuvent lever les appréhensions.
Pour les traitements eux-mêmes et leurs effets secondaires, c’est comme chez l’adulte la balance « bénéfice-risque » qui conduit médecins parents et enfants à choisir de façon plus éclairée. Lors de l’évolution de maladies graves ou pénibles, les effets secondaires une fois expliqués, seront plus acceptables. 
 
Peut-on chez un enfant utiliser un placebo à titre de comparateur?
 
Beaucoup moins souvent que chez un adulte, et en tout cas jamais si cela conduit à suspendre temporairement un traitement efficace. Par exemple dans l’asthme de l’enfant , un essai contre placebo avait entraîné une recrudescence des crises, et le passage obligé à des traitements plus forts que les inhalations habituelles. Le placebo peut être utile lorsqu ’aucun médicament n’a fait la preuve de son efficacité ou de sa tolérance.
 
Ainsi le respect des droits de l’enfant s’applique en recherche thérapeutique ?
 
Bien entendu, et ici aussi nous avons à lutter contre des dérives, qui ont surtout frappé les familles pauvres de pays pauvres. Cependant nous disposons de directives claires, dictées par l’éthique, l’intérêt des patients, et la recherche de progrès thérapeutiques.
 
 
Alain Krivitzky, RFI, 20 novembre 2009
 
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