09 oct. 2009 - 18:25
On ne peut pas formuler les choses de cette façon, car il existe réellement un « effet placebo ».
Dans le cadre d’un essai thérapeutique sérieux c’est-à-dire réalisé en double insu (ou double aveugle), il est important de démontrer qu’un produit réputé comme actif sur une maladie, sur un symptôme, fait mieux qu’un produitneutre.
Prenons un exemple, celui de douleurs, et de limitation de la mobilité, liées à une polyarthrite rhumatoïde, maladie assez fréquente, et parfois rebelle aux traitements : un placebo permet en général sur quelques mois une amélioration de 25%, sur des échelles parfaitement validées. Le challenge, pour le produit réputé actif que l‘on teste, est de faire vraiment mieux que ces 25%.
Si ce placebo ne contient aucune substance chimique active, comment peut-il entraîner une amélioration ainsi mesurable ?
Revenons à l’origine de l’effet placebo. Ce mot signifie « je plairai » en latin. Une mention du terme apparaît dans le dictionnaire anglais Hooper en 1811, défini comme « une médication destinée plus à plaire au patient qu’à être efficace ». Mais l’efficacité se dessine ensuite avec les recherches sur les effets de la suggestion.
Le médicament, même inactif, ou peu actif, (par exemple l’effet transitoire des « vitamines » chez des personnes qui n’en manquent absolument pas), peut être, s’il est prescrit dans une relation favorable, porteur d’une puissance réelle, permettant aux centres inconscients de la vie organique de modifier la perception, mais aussi dans certains cas le fonctionnement somatique.
Je reprendrai volontiers à ce sujet la phrase de mon confrère Martin Winckler : « L’effet placebo découle de la confiance de l’utilisateur dans le médicament qu’il absorbe, mais ce n’est pas un effet magique : il déclenche à l’intérieur du cerveau la sécrétion de substances appelées « endorphines », qui soulagent la douleur et d’autres symptômes. Autrement dit l’effet placebo est la conséquence biochimique d’une suggestion symbolique ».
Bien entendu je précise que s’il est parfaitement licite de se servir de l’effet placebo pour soulager un certain nombre de symptômes, on devient véritablement un charlatan si l’on prive un malade des médicaments actifs sur une infection, un cancer, un trouble vasculaire ou métabolique majeur. J’ai toujours en tête le conseil d’un de mes enseignants avant ma première expérience de remplaçant : « Six malades sur sept guériront tout seuls, essaie de ne pas tuer le septième »..
Nous avons abordé aujourd’hui le cas des patients hypocondriaques : utilisez-vous des placebos pour les soigner ?
Ici encore c’est la relation avec le patient qui est l’essentiel : il est vrai que nous sommes souvent consultés par des patients hypocondriaques ; mon but est de faire avec eux« le tour » de leurs symptômes, et de tout le dossier, volumineux, qu’ils apportent, souvent désespérés de ne pas avoir eu un diagnostic précis. Cette consultation peut être l’occasion, pas toujours définitive, de clore un chapitre sans se lancer dans de nouvelles recherches frustrantes, et de conclure par un traitement de soutien, par exemple la prescription d’un produit bénin que l’on peut assimiler à un placebo. Mais pour ma part je ne leur cache pas que ce n’est pas une panacée!
Le but est de faire prendre conscience, à terme, de la signification des symptômes et de leur place dans le vécu, conscient ou inconscient, du sujet.
Pr Krivitsky