La Sécurité Sociale « à la française »

Au moment où une réforme importante du système de protection de la santé fait l'objet de débats passionnés aux Etats Unis, comment un médecin hospitalier français voit-il notre propre système de sécurité sociale ?

 
         La sécurité sociale telle que nous la connaissons a été établie en 1945, dans le sillage de la Libération et du programme du Conseil National de la Résistance.
            Avant la guerre de 39-45, plusieurs lois avaient établi de façon partielle et fragile des systèmes disparates d'assistance sociale. Ce sont les ordonnances d'octobre 1945 qui ont établi un réseau coordonné de caisses, concernant les risques maladie, maternité, invalidité, vieillesse, décès, couvrant à la fois l’ensemble des risques et la généralité des personnes.
             
        
         Pouvez-vous nous expliquer « comment ça marche », concrètement ?
 
         Le système permet aux assurés sociaux de bénéficier des soins nécessités par leur état de santé en ne payant qu'une part réduite des consultations, examens, interventions, hospitalisations...
La prise en charge peut être totale, dite à 100%, pour les maladies graves ou de longue durée : cancer, diabète, accidents vasculaires, chirurgie lourde, grossesse, accidents du travail..
            Il n'est pas non plus nécessaire en cas d'urgence de présenter une carte bancaire avant d'âtre pris en charge. Des traitements extraordinairement coûteux sont accessibles à tous : on pourrait citer la greffe du coeur, la dialyse rénale, le traitement de maladies très rares, dites « orphelines », l'accès aux nouveaux médicaments issus de la recherche de pointe, etc.
            Depuis juillet 1999 une couverture médicale universelle (CMU) a été instituée, permettant aux personnes démunies d' être protégées.
            Les recettes sont assurées par un prélèvement sur la masse salariale, sur la contribution sociale généralisée (CSG) assise sur l'ensemble des revenus, et sur des taxes diverses.
            Depuis 1996 le Parlement vote chaque année la Loi de financement de la sécurité sociale et fixe l'objectif national des dépenses d'assurance maladie.
 
            Ce système paraît idéal... mais répond-il à ses objectifs ?
 
            Nous en connaissons les limites, par exemple :
                        - une part des dépenses des assurés n'est pas remboursée, certains médicaments à 30% seulement, ou non remboursés, et chaque acte, boîte, transport ...fait l'objet d'une retenue
                        - certaines personnes, comme les étrangers en situation irrégulière, doivent passer par une « aide médicale de l'état » (AME), longue à obtenir.
                   - surtoutune part de la gestion des risques pourrait être confiée aux assureurs privés, ce qui peut créer une « médecine à 2 vitesses », le privé assurant au mieux les plus riches, leur permettant l'accès aux meilleures structures, et les autres devant se contenter de services moins performants ou moins rapides.
-du côté des recettes, elles sont compromises par le non paiement de certaines cotisations patronales et bien entendu par le chômage lui-même.
 
         Faut-il abandonner ou réformer le système ?
 
            Pour nous, acteurs du système en tant que soignants hospitaliers il est fondamental de garder la « Sécu » dans son organisation générale, même si en tant que prescripteurs de soins nous devons garder une attitude responsable.
            En effet ce système assure notre liberté, celle de choisir pour chaque patient les explorations appropriées et les traitements efficaces même s’ils sont coûteux, et ceci quelque soit son statut social. Les décisions sont prises le plus souvent, dans les cas graves, de façon collégiale, associant le patient informé au choix thérapeutique. Ceci se fait en fonction de critères médicaux et non dans un cadre restrictif fixé par une organisation à but lucratif.
             
           
            On doit donc garder le système français ?
 
         Notre sécurité sociale qui était jugée obsolète, inefficace, coûteuse, est depuis peu (un effet de la crise ?) montrée en exemple et le système français parfois classé au premier rang !
            Outre la bataille courageuse de l'administration Obama contre les lobbies des assurances privées, on pourrait citer certaines régions de Chine où la prise en charge de la santé par la collectivité va désormais permettre de mieux soigner, et de mobiliser les économies des habitants, alors que jusqu'ici le souci numéro 1 des Chinois est de garder leur argent pour se soigner.
            La sécurité sociale peut donc aussi être reconnue comme un instrument du progrès économique !
 
 
Alain Krivitzky. RFI , 04/09/2009
        
 

 

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