Les patients précaires à l’hôpital public

Le jour où nous recevons M. Xavier EMMANUELLI, il paraît logique de poser la question de l’accueil des patients dits « précaires » à l’hôpital public. Celui-ci remplit-il sa mission ? 

 

 

 
Je voudrais rappeler que la mission première, historique, de l’hôpital était d’accueillir les indigents, malades, ou parfois tout simplement en situation d’abandon social, c’était la notion « d’hospice », ouvert à la grande détresse.
On pourrait effectivement craindre que le progrès médical et scientifique, qui fonde en principe l’excellence reconnue des grands hôpitaux, n’écarte de la prise en charge les exclus de la société.
Si certaines dérives, liées à la priorité actuellement donnée à l ‘équilibre budgétaire des hôpitaux, font rechercher une « clientèle  programmée », dans des services de plus en plus hyper-spécialisés, la mission d’accueil quelque soit la situation sociale demeure, fort heureusement , et les médecins hospitaliers revendiquent de la préserver.
Ceci est d’autant plus important que l’augmentation de la précarité, sociale, professionnelle, familiale, financière, est à l’origine d’effets négatifs sur l’état de santé.
 
 
Dans la pratique, comment s’organise cet accueil de la précarité ?
 
 Dans la majorité des CHU qui constituent l’Assistance Publique Hôpitaux de Paris il existe des consultations sans rendez-vous, dans le cadre de Permanences d’Accès aux Soins de Santé, les dispositifs « PASS »
On peut citer en exemple la Policlinique Baudelaire, à l’hôpital Saint-Antoine, qui revendique les préceptes de Pasteur : « On ne demande pas à un malade de quel pays et de quelle religion es tu, on lui dit : tu souffres cela me suffit, je te soulagerai ».
Cette démarche initiée en 1990, a permis d’accueillir en 15 ans 140.000 malades. Elle est maintenant étendue à beaucoup d’hôpitaux.
 
Comment fonctionnent ces permanences d’accès aux soins ?
 
 Un patient se présente à l’hôpital et n’a pas de prise en charge sociale valide, notamment pas de Carte Vitale : une assistante sociale lui délivre un « bon de circulation», lui donnant accès aux consultations de médecine générale, de médecine interne, puis de spécialités, la possibilité de recourir aux bilans sanguins et radiologiques, enfin de disposer à la pharmacie de l’hôpital des médicaments nécessaires.
Parallèlement le service social engage les démarches de récupération des droits d’accès aux soins, ce qui représente, pour un malade isolé, démuni, éventuellement non francophone, un vrai parcours du combattant.
Parfois le patient en grande précarité ne sait même pas qu’il peut bénéficier de la Couverture Médicale Universelle (CMU). Cette méconnaissance et les conditions de vie dans la grande précarité expliquent des retards de soins, et certains malades se présentent, ou sont amenés aux urgences, dans un état critique, je pense par exemple aux infections des pieds chez les diabétiques.
 
 
 
 
Les situations, les demandes, les besoins, sont-ils identiques dans toutes ces permanences d ‘accueil PASS ?
 
Selon sa situation géographique chaque hôpital doit faire face à des spécificités diverses : par exemple, à Avicenne, c’est l’accueil de patients migrants sans papiers et sans prise en charge par la Sécurité Sociale qui forme le fond de l’activité de l’accueil des précaires, plus que celui de personnes sans domicile fixe.
 Ces patients vivent de façon parfois ancienne en France, parfois réfugiés politiques déboutés du droit d’asile, ou simplement en situation irrégulière. Tous ont droit aux soins, ce qui est normal, salutaire pour eux, leurs proches et l’ensemble de la collectivité. Mais l’Aide Médicale Etat (AME) qui reconnaît ce droit n’est accordée qu’après plusieurs mois de présence sur le territoire.
Dans de nombreux cas nous sommes d’autre part sollicités dans la procédure dite de l’« étranger malade » qui demande à rester en France pour une raison de santé majeure. En effet une carte de séjour provisoire peut être délivrée s’il est reconnu que le défaut de prise en charge en France aurait de très graves conséquences, vitales, sur l’état de santé. Les certificats détaillés doivent être établis par un médecin agréé, notamment par un médecin hospitalier titulaire.
 
Les hôpitaux ont-ils les moyens d’accueillir et de soigner tous les patients démunis ?
 
 Le Directeur de la Politique Médicale de l’Assistance Publique Hôpitaux de Paris insistait récemment sur l’apport de ressources indispensable pour assurer cet accueil dans des conditions conformes aux droits des patients et aux engagements que tout médecin a souscrit en s’engageant dans cette profession.
On sait que le système de financement des hôpitaux, la célèbre « tarification à l’activité », identifie mal la prise en charge de la précarité. C’est pourquoi il est important de reconnaître à sa juste valeur le travail réalisé auprès des populations précaires afin que chaque hôpital ait les moyens de répondre à cette mission fondamentale.
 
Alain Krivitzky, RFI, 11 décembre 2009
 
 Ecouter le Pr Krivitsky :