La tuberculose en Seine Saint Denis : un marqueur social ?

 

La survenue de plusieurs cas de tuberculose dans le département de Seine Saint Denis, tout proche de Paris, a déclenché une grande opération de dépistage de la maladie, menée à Clichy sous Bois, dans un gymnase, auprès de milliers d’habitants de cette commune. Est-ce le grand retour de cette maladie, redoutable et redoutée, dans un département marqué par une plus grande précarité ?

 

 

 
La tuberculose n’a pas disparu, c’est le premier constat. Dans le cas de la commune de Clichy sous Bois, plusieurs cas, dits groupés, ont été observés dans des immeubles du quartier « Le Chêne pointu »où sont logés, dans des conditions scandaleuses de délabrement, de manque d’hygiène et parfois de coupure de l’eau courante, des populations précarisées, notamment des femmes seules, des migrants, parfois sans papiers.
Vingt trois cas, dont la moitié chez des enfants de moins de 15 ans, ont été diagnostiqués et   un traitement antibiotique, efficace, a été entrepris.
Dans la mesure où cette maladie est contagieuse il était important de réaliser un dépistage à grande échelle, sur 5000 habitants de ce quartier, par une radiographie et un test tuberculinique.
C’est d’ailleurs ce qui est fait habituellement dans la famille et l’entourage proche de patients tuberculeux, puisque c’est une affection à déclaration obligatoire.
 
 
Ces cas groupés dans un espace restreint sont ils le reflet d’une poussée épidémique de la tuberculose ?
 
On ne peut pas parler aujourd’hui d’épidémie, mais ce foyer est significatif des risques sanitaires entraînés par les conditions d’accueil et de logement de populations précarisées socialement, ou du fait de leur absence de droits.
Avant même cet événement on connaissait l’incidence plus forte en Seine Saint Denis de la tuberculose, grâce au système de déclaration obligatoire des cas observés.
En 2008 le taux de tuberculoses déclarées y était le plus élevé de toute la France métropolitaine, soit 30,3 pour 100.000 habitants par an (contre, par exemple, 27,5 à Paris, 22,5 en Guyane, 11,4 dans le département du Rhône).
Ce taux est globalement stable depuis 1995, alors qu’en France il est passé, en 15 ans, de 15 à moins de 10 pour 100.000 habitants par an.
La répartition des cas de tuberculose est étroitement liée à celle des indicateurs d’inégalités sociales, inégalités de revenus et de logement. En Ile de France la Seine Saint Denis est le seul département où le revenu moyen des ménages est inférieur à la moyenne nationale. Clichy sous Bois était déjà marqué, si l’on peut dire, avec une moyenne de cas de 48 pour 100.000 par an entre 2007 et 2009, contre moins de la moitié dans les commune voisines.
 
 
 
Vous indiquez que les cas observés ont touché notamment des personnes originaires d’autres régions du monde, y a t il une évolution marquée de l’épidémiologie de la tuberculose parmi les migrants ?
 
Si le nombre de cas observés parmi les personnes originaires de France reste stable, les personnes d’origine étrangère constituent les ¾ des cas notifiés. Parmi eux les pays d’Afrique subsaharienne représentent 31% des cas, le Maghreb 17%, le sous continent Indien 11%. Une augmentation de cas de personnes venant d’Haïti et d’Europe de l’Est a été observée   depuis 2000.
C’est l’occasion d’insister sur la nécessité à la fois humaine, sanitaire (et même économique), de maintenir les droits des migrants à l’Aide Médicale d’Etat (AME) avant même leur régularisation, afin de dépister et d’opposer un traitement parfaitement efficace à la tuberculose et à d’autres pathologies sévères.
 
 
N’est il pas étonnant que des adultes et des enfants vaccinés antérieurement par le BCG aient pu contracter la tuberculose ?  
 
Le BCG n’apporte pas une protection absolue contre toutes les formes de tuberculose, mais environ 50% au bout de 15 ans ; il protège les enfants de certaines formes très graves comme la méningite tuberculeuse. Il n’est plus obligatoire en France depuis 2008 pour les enfants vivant dans de bonnes conditions sanitaires.
Il reste hautement recommandé chez les enfants vivant dans des conditions sociales défavorables, chez ceux dont les parents ont émigré des pays que nous venons de citer, ou les enfants qui sont nés dans ces pays.
L’objectif de maintenir une couverture vaccinale de près de 100% en Ile de France et en particulier en Seine Saint Denis reste donc raisonnable.
 
Espérons, avec le maire de Clichy sous Bois, lui-même pédiatre, que l’événement, et le coup de projecteur sur le « Chêne pointu », amèneront pour le moins à permettre à ses habitants de sortir des conditions indignes de leur logement.
Ecoutez la chronique du Pr A. Krivitzky:
 

 

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