Hôpital de Seine Saint Denis et médecins de banlieue

 

Comment un Centre Hospitalier Universitaire, comme l’hôpital Avicenne de Bobigny, en banlieue parisienne, voit-il la pratique de ces confrères de son environnement, et quels rapports entretient-il avec ces médecins ?

 

 Nous nous adressons à la même population, et les rapports sont quotidiens entre l’hôpital et les médecins de son secteur géographique. C’est particulièrement le cas à Avicenne dont la majorité des patients sont originaires de cette banlieue du nord est de la région parisienne, la Seine saint Denis, appelée familièrement le 9.3…

Une première remarque tient à la pénurie relative de médecins généralistes exerçant dans le département : trop peu de jeunes viennent prendre le relais des collègues prenant leur retraite. C’est dire le plaisir de voir des médecins comme Madame le Docteur Kassimou, qui a été interne puis assistante dans notre service de médecine interne, s’installer à proximité et y pratiquer une médecine au plus près de la population.
Ce déficit de médecins est ressenti par l’hôpital, amené à recevoir, par exemple aux urgences, des patients qui pourraient être traités en ville, à moindres frais, de façon plus rapide et finalement moins traumatisante.
 
 
Voulez-vous dire qu’il y a d’un côté une pratique médicale humaine, et de l’autre une médecine purement technique ?
 
La science, si l’on peut dire, et la technicité, ne sont pas un privilège de l’hôpital : la médecine générale s’appuie sur des données cliniques et thérapeutiques complexes, et les praticiens généralistes ne sont pas des « bobologues », mais des praticiens au courant des développements les plus récents.
Ils doivent avoir le temps de remettre à jour leurs connaissances. Sinon la médecine générale en ville n’est plus synonyme d’humanité, lorsqu’on sait par exemple que certains confrères travaillent « à la chaîne », et voient, (si l’on peut dire), jusqu’à 100 patients par jour!
Nos confrères ici présents n’ont pas cette conception et s’efforcent de pratiquer une médecine attentive, responsable, prenant en compte l’ensemble des problèmes médicaux, psychologiques et sociaux, puisque la « santé » est un tout.
C’est la fierté de la Faculté de Bobigny, partie de l’Université Paris XIII de Villetaneuse, d ‘avoir créé il y a une vingtaine d’années le premier enseignement spécifique de médecine générale, c’est à dire un cycle spécial d’études, faisant leur place à des enseignants eux-mêmes médecins généralistes. Comme l’on sait la médecine générale est devenue depuis une spécialité.
Un certain nombre de nos étudiants, pas encore assez à notre avis, s’installent dans notre environnement, et profitent des liens créés pendant leurs études avec leurs professeurs du « CHU de la Seine Saint Denis ».
La présence de cette faculté permet également à des enfants, issus en 2ème ou 3ème génération de l’immigration, de devenir médecins : c’est toujours un instant d’émotion lorsqu’ils soutiennent leur thèse à Bobigny et y lisent, en présence de leurs parents, le serment d’Hippocrate qui consacre leur diplôme.
 
 
Qu’attendez-vous des médecins généralistes installés à proximité de l’hôpital, ont ils leur place dans la prise en charge, ou bien doivent-ils simplement recopier par la suite les ordonnances établies à la sortie du malade ?
 
Il est souvent difficile pour les uns et les autres de trouver le temps d’échanger en direct, l’hôpital doit s’efforcer de donner en temps réel les informations, les comptes rendus, les conseils, mais les restrictions de personnel, par exemple de secrétariat, ne facilitent pas les choses…Nous devons être plus accessibles au téléphone, ce qui permet à un médecin d’adresser un patient « en direct » dans un service adapté, plutôt que de l’envoyer « aux urgences » de l’hôpital, où les temps d’attente inconfortable sont connus, malgré des progrès réels des conditions d’accueil.
A la sortie, c’est le médecin traitant qui doit redevenir le maître d’œuvre de la prise en charge, même si certaines pathologies très spécialisées, comme par exemple de lourdes chimiothérapies ou des séances de dialyse, nécessitent les moyens lourds de l’hôpital ou de la clinique spécialisée.
Nous attendons des médecins traitants de joindre des lettres précises, parfois détaillées, lorsqu’ils nous adressent des patients. Parfois il leur est possible de venir à nos réunions de travail appelées « staffs », et bien sûr de continuer leur formation au cours d’enseignements post universitaires : c’est l’occasion de se rencontrer, de se revoir, et de fortifier un partenariat qui ne doit pas s’arrêter à la fin des études proprement dites.
 
Pr Alain Krivitzki
 
 
 
 
 
 
 

 

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